Avant même que l’été ne soit arrivé, plusieurs urgences de la province sont archi-achalandées. Lundi, 1645 des 12 000 patients qui se sont rendus dans les urgences du Québec sont partis avant d’avoir vu un médecin, soit le nombre le plus élevé en trois ans.

En fin d’après-midi mardi, le CISSS de Laval a envoyé un communiqué invitant la population à consulter dans d’autres installations que les urgences de la Cité-de-la-Santé, qui affichaient un taux d’occupation de 133 %.

« Le réseau est très occupé. Sur les 500 civières des urgences de Montréal, 104 étaient occupées par des patients qui y étaient depuis plus de 48 heures, lundi », affirme le président de l’Association des spécialistes en médecine d’urgence du Québec, le DGilbert Boucher.

« Les données qu’on voit actuellement montrent une tendance à la hausse dans l’achalandage. On a très peur de ce qui va se passer cet été », ajoute la présidente de l’Association des médecins d’urgence du Québec, la Dre Judy Morris.

Président de l’Association des spécialistes en médecine interne du Québec, le DHoang Duong dit être « sur le qui-vive », à l’approche de l’été.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Le DHoang Duong, président de l’Association des spécialistes en médecine interne du Québec

C’est un peu comme une tradition : il y a moins de personnel. On ferme des lits. Et la demande augmente à certains endroits…

Le DHoang Duong, président de l’Association des spécialistes en médecine interne du Québec

La Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ), elle, appréhende des ruptures de services, affirme sa présidente, Julie Bouchard. « Chaque année, l’été est difficile. Et c’est chaque fois de plus en plus difficile », dit-elle.

Mme Bouchard s’inquiète particulièrement du retrait récent des « primes COVID ». Depuis samedi, le gouvernement ne verse plus ces primes qui permettaient par exemple aux infirmières d’être payées à taux double pour des heures supplémentaires. Pour Mme Bouchard, le retrait de ces primes est « trop précipité ». « La pénurie de personnel est encore là. Cet été, on n’y arrivera pas s’il n’y a pas d’incitations », croit-elle.

Questionné par La Presse pour savoir si des primes d’été étaient au menu, le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) n’a pas été en mesure de répondre, mardi.

Enfin des données

Mardi, le MSSS a mis en ligne une série d’indicateurs permettant de prendre le pouls du réseau de la santé. Le ministre Christian Dubé a reconnu que certaines données n’étaient pas reluisantes. Par exemple, même si le nombre d’heures de services à domicile a augmenté de 4,2 millions en deux ans, la liste d’attente a doublé durant la même période. Mais le ministre estime que « les Québécois sont mûrs pour se faire dire les vraies choses ».

Lisez l’article « Le pouls du réseau en quelques clics »

L’initiative de M. Dubé est saluée par le milieu.

C’est excellent. Ces données existaient depuis 15 ans, mais n’étaient pas publiées […] Espérons que ça va briser la force d’inertie du réseau.

Le DGilbert Boucher, président de l’Association des spécialistes en médecine d’urgence du Québec

« C’est un pas dans la bonne direction pour voir où sont les problèmes », dit la Dre Morris. Celle-ci espère cependant que la population ne deviendra pas « insensibilisée » aux données.

« On le voit avec les urgences. Les données sont disponibles depuis des années. Et on ne bronche plus quand on voit des taux d’occupation de 150 %, ou même de 200 %. Comme si on était habitué », dit-elle.

Même constat aux urgences pédiatriques

Les urgences pédiatriques ne sont pas épargnées par les forts achalandages des derniers jours. Mardi, le CHU Sainte-Justine présentait un taux d’occupation de 150 %. Un regroupement de parents a d’ailleurs écrit au ministre Dubé et lancé une pétition pour réclamer le retour du service « Un appel, un rendez-vous ». Cette ligne avait été lancée en septembre 2021 pour que les parents d’enfants ayant un problème de santé non urgent puissent obtenir une consultation. L’objectif était de désengorger les urgences.

Instigatrice de la pétition, Vivien Carli estime que de nombreux parents peinent actuellement à obtenir des rendez-vous rapides en clinique pour leurs enfants en cas de besoin. Conséquence : « Les enfants montréalais inondent les urgences avec des maladies non urgentes », indique-t-elle.

Au cours des prochaines semaines, les guichets d’accès à la première ligne (GAP) seront lancés un peu partout au Québec. Mais Mme Carli souligne que ces guichets seront réservés aux patients sans médecin de famille. Or, de nombreux parents ont un médecin de famille « mais ne peuvent obtenir un rendez-vous d’urgence et doivent encore se rendre aux urgences », dit la mère.

Au CIUSSS du Centre-Ouest-de-l’Île-de-Montréal, on rappelle que le projet « Un appel, un rendez-vous » était « une initiative temporaire » pour « soulager la pression sur le système pédiatrique, qui était déjà en surcapacité ». L’établissement dit suivre la situation de près et n’écarte pas de relancer la ligne « si la situation devait l’exiger ».