(Québec) Être hospitalisé à la maison sera-t-il bientôt possible ? L’Hôpital général juif (HGJ) de Montréal déploie un projet-pilote pour que des patients se rétablissent complètement dans le confort de leur foyer. Une solution préconisée par la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ) et séduisante aux yeux de Christian Dubé.

L’Hôpital général juif du CIUSSS du Centre-Ouest-de-l’Île-de-Montréal prend le pari de soigner à la maison une catégorie bien précise de patients. « Il faut repenser la façon dont on administre des soins », lance la directrice adjointe à la qualité, l’innovation et la performance du CIUSSS, Erin Cook.

L’initiative n’est pas sans lien avec les leçons de la pandémie, qui a levé le voile sur la faible capacité hospitalière des établissements de santé et sur la nécessité de revoir l’organisation du travail en raison de la pénurie de main-d’œuvre. En plein tsunami Omicron, le HGJ a déployé le projet « COVID à domicile », qui permettait à des employés en retrait préventif de suivre des patients atteints du virus à la maison.

Expérience élargie

Muni d’un capteur corporel, le patient pouvait être suivi à distance. Avec l’arrivée de la sixième vague, le HGJ a poursuivi son projet, mais souhaite maintenant pousser plus loin son concept en tentant l’expérience avec les patients souffrant notamment d’insuffisance cardiaque, de maladies pulmonaires, de pneumonie, d’infections des voies urinaires ou d’une cellulite.

L’établissement commence même à sélectionner les patients dès leur admission aux urgences, ce qui évite carrément leur hospitalisation.

« On n’a pas besoin que 100 % des patients soient admissibles à ça, on ne rêve pas en couleur », soutient le président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ), le DVincent Oliva, qui appuie le projet.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Le DVincent Oliva, président de la FMSQ

Avec les listes d’attente qui ont gonflé […] pourquoi ne pas privilégier l’hôpital pour les patients qui ont besoin de plateaux techniques très lourds et prendre une catégorie de patients, ceux qui ont besoin de surveillance, de suivi, pour la maison ?

Le DVincent Oliva, président de la FMSQ

La FMSQ veut mettre de l’avant ce nouveau concept qui pourrait ainsi « bonifier » le Plan santé du ministre Christian Dubé. « La technologie est rendue là », plaide le DOliva en entrevue.

Comment ça fonctionne ?

L’admissibilité de chaque patient est évaluée selon les protocoles développés pour ce projet. Il doit être stable et pouvoir compter sur l’aide d’un proche aidant à la maison. Ce dernier est aussi évalué afin qu’il soit en mesure d’effectuer le suivi nécessaire. L’établissement met une tablette électronique et le soutien technologique à la disposition du patient.

« Les soins virtuels sont assurés 24/7 par des infirmières qui font du monitorage en continu des signes vitaux, qui organisent des rencontres virtuelles avec le patient », illustre Mme Cook. Un usager peut recevoir jusqu’à trois ou quatre visites virtuelles par jour. L’équipe de soins à domicile peut aussi être mise à contribution si le patient doit recevoir des soins en présence.

Il n’est pas impossible par ailleurs que le patient doive retourner à l’hôpital selon l’évolution de son état.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Erin Cook et le Dr Lawrence Rudski

« En médecine, 80 % de l’évaluation, c’est en parlant avec le patient », explique le chef du service de cardiologie du HGJ, le Dr Lawrence Rudski. Des 22 patients qui ont participé à l’expérience jusqu’à présent, seulement 2 ont nécessité le déplacement d’une équipe de soins à domicile.

Il est encore trop tôt pour estimer quelle proportion du nombre de patients hospitalisés pourrait être suivie à la maison, selon le HGJ. À Boston par exemple, des établissements ont fixé la cible de patients à soigner à distance à environ 10 % sur 2000 lits.

Même si on peut recréer une unité de 25 lits ici, imaginez comment ça peut faire une différence si on étend le modèle ailleurs.

Le DLawrence Rudski, chef du service de cardiologie de l’Hôpital général juif

Pour l’heure, des initiatives du genre ont été déployées en Alberta et en Colombie-Britannique. L’Ontario a aussi eu un projet du style COVID à la maison.

Rattraper le retard technologique

Selon la FMSQ, Québec doit rattraper le retard en technologie de santé et salue en ce sens la plus grande place que le gouvernement Legault souhaite donner à la télémédecine, qui a connu un coup d’accélérateur avec la pandémie. « Je pense que dans 10 ans, il y a beaucoup de la médecine qui va se pratiquer d’une façon différente, de façon virtuelle avec des soins qu’on amène au patient et non l’inverse », soutient le DOliva.

Ce qu’on veut, c’est mettre la balle en jeu et sensibiliser le gouvernement par rapport à [l’hospitalisation à domicile] parce que, premièrement, la technologie est là.

Le DVincent Oliva, président de la FMSQ

Des propos doux aux oreilles de Christian Dubé, qui estime que ce concept « coche plusieurs cases » de son Plan santé. Il mandatera les équipes de la sous-ministre Lucie Opatrny pour suivre le projet-pilote et déterminer s’il peut être reproduit ailleurs en province. « Les Québécois veulent être soignés à la maison, c’est ça qu’ils veulent », soutient-il en entrevue avec La Presse.

« Ce projet s’inscrit dans l’accès à la première ligne, dans l’innovation, dans le [virage vers les] soins à domicile », souligne le ministre. C’est aussi en ligne droite avec son objectif d’améliorer la « fluidité hospitalière » dans les établissements par la création de centres de commandement aux urgences. Celui du HGJ est d’ailleurs cité en exemple dans son plan de « refondation ».

En savoir plus
  • 136
    Nombre de jours-présence récupérés dans les lits de l’Hôpital général juif de Montréal, depuis le début du projet-pilote
    Source : Hôpital général juif de Montréal
    22
    Nombre de patients ayant tenté l’expérience d’hospitalisation à domicile depuis janvier
    Source : Hôpital général juif de Montréal