Le gouvernement du Québec investit près de 8,6 millions $ dans l'«ajout» de services en santé, une somme non récurrente devant être mise à profit d'ici le 31 mars pour «répondre aux besoins croissants de la population et réduire les délais d'attente».

Le ministre de la Santé et des Services sociaux, Gaétan Barrette, a fait l'annonce de ce financement ponctuel, dimanche, à Montréal, visant à faciliter l'accès à la chirurgie, aux examens diagnostiques et à certains services de cardiologie.

Les volets de la chirurgie s'élèvent à 2,5 millions $, et permettront, selon le gouvernement, d'effectuer 1000 chirurgies supplémentaires.

Un autre montant de 2 millions $ doit servir au financement des services diagnostiques, notamment en imagerie par résonnance magnétique (IRM), en endoscopie, en radiologie générale et en tomodensitométrie (TDM).

Du côté de la cardiologie, près de 4,1 millions $ doivent être consacrés à l'augmentation des volumes en électrophysiologie, en échographie cardiaque et en chirurgie cardiaque.

Toutes ces sommes serviront entre autres à augmenter les plages horaires ainsi qu'à réduire les listes d'attente, «dans les établissements où le personnel et les installations le permettent», a-t-on indiqué.

«Nous payons en fonction des services qui sont rendus, (...) il doit y avoir reddition de comptes. Aux différentes administrations sur le réseau, voici une opportunité, saisissez-là», a dit le ministre en conférence de presse.

«Nous établissons chaque année un budget qui prévoit au moins la reconduction des services que nous offrions l'année précédente, c'est ça l'enjeu. Et si en cours d'année se dégagent de nouvelles sommes, la façon responsable de répondre à cette situation-là est de prendre ces nouvelles sommes pour les octroyer à une addition de services, oui momentanée», a aussi fait valoir M. Barrette relativement à ce financement non récurrent.

Des infirmières se vident le coeur auprès d'Amir Khadir

Des infirmières à bout de souffle sont allées se vider le coeur chez le député de Québec solidaire, Amir Khadir, dimanche matin, et toutes martelaient le même message: il faut revaloriser le métier en redonnant à ces professionnels de la santé les moyens d'accomplir pleinement leur travail auprès des patients.

Le député solidaire avait organisé une assemblée de cuisine chez lui, à Montréal, afin d'entendre les doléances des infirmières, dont les problèmes de surcharge ont été révélés au grand jour par une jeune travailleuse, Émilie Ricard, qui avait exposé sa détresse sur les réseaux sociaux.

Une vingtaine de personnes ont répondu à l'appel lancé sur les réseaux sociaux et se sont entassées dans son salon pour parler de leur expérience et pour faire part de leurs suggestions.

Plusieurs d'entre elles ont dit ne pas pouvoir bien faire leur travail en raison de leurs conditions. L'une d'entre elles, Kim, a relaté que les infirmières étaient tellement surchargées qu'elles étaient forcées à «négliger» certaines parties de leur travail pour finir à temps. Et selon elle, c'est souvent le contact avec le patient qui écope.

Il a évidemment aussi été question du ratio entre les infirmières et les patients et des heures supplémentaires obligatoire (TSO), qui ont des répercussions dévastatrices sur les travailleuses, a-t-on fait valoir.

«Moi j'ai fait deux fois du TSO et je m'en souviens encore», a témoigné Sarah, qui pratique son métier depuis sept ans.

«La détresse vient du fait d'être forcée à rester», a-t-elle ajouté.

Les personnes présentes ont notamment suggéré d'offrir ces quarts d'heures supplémentaires à d'autres infirmières, qui auraient un incitatif à aller travailler en étant payées plus cher.

Une autre infirmière qui ne s'est pas nommée a témoigné qu'elle en était à son quatrième épisode d'épuisement professionnel, causé par le ratio trop élevé de patients à sa charge et le nombre faramineux d'heures supplémentaires qu'elle a dû effectuer. En une année, elle a dit avoir fait 20 000 $ en temps supplémentaire.

Les participants en avaient aussi contre le climat de travail, qui est parfois toxique. Plusieurs d'entre elles ont raconté qu'elles se faisaient menacer si elles refusaient un quart de travail.

Natalie Stake-Doucet, qui a quitté le métier il y a un an, dénonce aussi la «loi du silence» qui règne dans le milieu. Les infirmières n'ont pas le droit de dénoncer leurs conditions, car elles pourraient risquer de faire mal paraître leur lieu de travail, a-t-elle déploré.

D'ailleurs, plusieurs infirmières ont refusé d'être nommées publiquement car elles craignaient de se faire congédier pour ce que les patrons appellent un «conflit de loyauté.»

«La loyauté est aux patients, pas aux hôpitaux», a lancé Mme Stake-Doucet.

Sarah a pour sa part critiqué le salaire des infirmières, qui est trop modeste par rapport aux autres professions, selon elle.

«(L'augmentation) de 3,25 pour cent sur cinq ans, c'est un peu rire de moi», a-t-elle laissé tomber.

Les participants à la rencontre ont aussi proposé de mieux exploiter les compétences des infirmières et des infirmières praticiennes spécialisées - qui seraient encore trop à la remorque des médecins - et de baisser le nombre d'échelons salariaux.

Une technicienne en administration qui travaille dans le secteur de la santé a finalement suggéré au ministre Gaétan Barrette de changer de discours, lui qui dit vouloir mettre le patient au centre du système.

«Les employés, c'est ce qu'il y a de plus important. Si les employés sont mal traités, ça se répercute sur le patient», a-t-elle expliqué.

La présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé (FIQ), Nancy Bédard, et le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, se sont rencontrés la semaine dernière afin de s'attaquer au problème.

Mme Bédard a laissé entendre que Québec allait agir bientôt sur les ratios et les heures supplémentaires obligatoires.