De plus en plus de policiers de la Sûreté du Québec prennent des congés de maladie pour des problèmes psychologiques, a constaté le corps policier. Pour le syndicat, il ne fait pas de doute que le nombre d'heures supplémentaires est en cause. Et la tragédie de Lac-Mégantic pourrait aussi avoir laissé des blessures profondes chez ces premiers intervenants.

En seulement quatre ans, le nombre de congés de maladie a bondi de plus de 21 % chez les policiers de la Sureté du Québec, selon des documents obtenus par La Presse grâce à la Loi d'accès à l'information.

L'année 2013 a été particulièrement éprouvante pour les policiers de la Sûreté du Québec. Il suffit de penser aux drames de Lac-Mégantic et de L'Isle-Verte où de nombreux policiers ont travaillé des semaines sans relâche dans des conditions extrêmement pénibles pour retrouver des corps.

Ces opérations expliquent notamment que le nombre d'heures supplémentaires effectuées par les policiers de la SQ a atteint un sommet de 1,2 million d'heures, en 2013-2014, selon les documents du dernier exercice financier du corps policier, obtenu par La Presse.

«Pour vous donner un exemple, l'opération Bourdon à Lac-Mégantic a nécessité près de 65 000 heures supplémentaires», souligne le sergent Gregory Gomez, porte-parole de la Sûreté du Québec, pour expliquer cette hausse.

L'Association des policières et policiers provinciaux du Québec (APPQ) voit un lien direct entre le nombre élevé d'heures supplémentaires et le nombre de congés de maladie.

«On a remarqué que les maladies de long terme reliées à la détresse psychologique ont augmenté énormément dans les dernières années, affirme le président de l'APPQ, Pierre Veilleux. C'est un cercle vicieux, il manque des effectifs, donc on fait beaucoup d'heures supplémentaires, on est fatigués et donc plus vulnérables et lorsqu'un événement majeur se produit, il y en a qui craquent.»

«En 2013-2014, on a constaté de façon générale qu'il y a eu une augmentation des absences pour des problèmes d'ordre psychologique comme l'épuisement professionnel ou les chocs post-traumatiques», confirme le sergent Gomez.

S'il hésite à faire un lien direct avec l'opération à Lac-Mégantic, il reconnaît que le fait de travailler dans la zone rouge ou auprès des familles des victimes de cette tragédie a eu un impact sur les policiers. «Depuis des années, on offre de l'aide psychologique aux policiers et ça passe nécessairement par des absences pour prendre un repos après des événements marquants comme Lac-Mégantic ou autres», dit-il.

M. Gomez n'était pas en mesure de révéler le nombre précis d'absences pour ces raisons, d'autant que plusieurs policiers peuvent prendre une journée de congé et consulter un psychologue sans nécessairement avertir leur superviseur. «On ne peut pas le chiffrer, mais on le sent dans la tendance des statistiques de l'aide au personnel», dit-il.

Problème récurrent

La question des heures supplémentaires est un problème récurrent à la SQ. Depuis au moins 10 ans, elles frisent le million et sont en hausse constante.

Le corps policier compte quelque 5700 policiers et selon l'APPQ, chaque patrouilleur peut faire au minimum 200-250 heures supplémentaires par année, selon les secteurs.

Outre Lac-Mégantic et L'Isle-Verte, la SQ souligne avoir réalisé plusieurs opérations d'envergure pour démanteler des réseaux de trafic de stupéfiants. Le sergent Gomez cite également le projet d'enquête Hantise contre l'évasion fiscale, le projet Lorgnette contre la fraude et le projet Mainmise sur exploitation sexuelle des enfants sur l'internet. Toutes ces opérations contribuent à faire grossir la banque des heures supplémentaires, selon M. Gomez, sans oublier les heures où les policiers témoignent en cour.

Mais comme le souligne M. Veilleux, la SQ mène depuis toujours de grandes enquêtes et elles ne suffisent pas à expliquer ces augmentations annuelles.

«Le gouvernement devra faire une sérieuse réflexion par rapport aux heures supplémentaires, croit-il. Il y a énormément d'heures réalisées par les patrouilleurs et à mes yeux ça s'explique par le manque d'effectif.» Selon lui, il manque au moins 200 patrouilleurs à travers la province.

- Avec Serge Laplante