Le grand patron du Centre universitaire de santé McGill (CUSM) le répète comme un mantra : les services aux patients ne seront pas touchés par les compressions de 50 millions exigées par le gouvernement pour éviter d'enregistrer le pire déficit effectué par un établissement de santé dans l'histoire du Québec.

Normand Rinfret est arrivé dans la grande salle de réunion des bureaux administratifs du CUSM au centre-ville armé d'un document où s'alignent des colonnes de chiffres. On peut y lire le détail du déficit anticipé de 115 millions pour l'an prochain révélé par le dépôt du rapport Baron, un exercice de vérification qui a notamment levé le voile sur une augmentation injustifiable des heures rémunérées par rapport à la quantité de soins prodigués.

Or, la direction s'apprête à fermer entre 150 et 200 postes et des millions seront retranchés dans des secteurs cliniques comme la chirurgie, la radiologie et l'oncologie. Alors que le spectre d'une tutelle plane au-dessus de l'établissement qu'il dirige, Normand Rinfret assure que son plan de retour à l'équilibre budgétaire sera prêt d'ici le 15 mars, même s'il reconnaît qu'il fait face à un «défi» de taille.

À côté se trouvent ses propres projections qui seraient plutôt de l'ordre de 89,7 millions.

Mais peu importe qui dit vrai, le ministère de la Santé du Québec a tranché: le CUSM doit retourner à l'équilibre budgétaire d'ici mars 2015 et pour y arriver, Normand Rinfret doit retrancher 50 millions de ses dépenses au plus vite.

Le CUSM a été placé sous quasi-tutelle avec la nomination d'un accompagnateur spécial, envoyé par le gouvernement pour aider l'institution à assainir sa gouvernance. «Ce qui nous arrive est un gros problème. Je ne dis pas que ce n'est pas un gros défi, mais c'est un défi qu'on va réaliser », a-t-il déclaré en entrevue jeudi.

Normand Rinfret devait normalement déposer son plan de retour à l'équilibre budgétaire le 22 février, mais il a obtenu un délai supplémentaire de près d'un mois. Des «cibles» totalisant 28 millions ont déjà été présentées, sans toutefois détailler comment les compressions allaient s'articuler. On veut par exemple récupérer 5,1 millions dans les services logistiques, 3,5 millions en chirurgie, 3,6 millions en radiologie, 1,25 million en oncologie et 4,4 millions dans les laboratoires. Des «grands chantiers» sont en cours dans cinq secteurs pour déterminer comment atteindre le reste des 50 millions.

«À ce moment-ci la réaction du gouvernement c'est : vous pourriez faire mieux. Pas dans le sens de plus d'argent, mais dans le sens de plus de documentation, qu'est-ce que vous allez entreprendre exactement pour aller sauver cet argent-là.»

L'un des « grands chantiers » sur lequel le CUSM travaille est celui des cliniques externes. Dans le cadre de son plan de retour à l'équilibre budgétaire, l'hôpital suivra de près les recommandations d'une analyse de la performance du CUSM réalisée en 2010 par la firme Raymond Chabot Grant Thornton.

Cette analyse évalue, par exemple, que le nombre de visites aux consultations externes du CUSM est beaucoup plus élevé qu'au CHUM. En 2009-2010, le CUSM en recensait 504 665. Selon le rapport, avec 111 471 visites de moins (ce qui représente l'écart entre les visites du CUSM et celles du CHUM), il serait possible de réaliser des économies de 3,2 millions. Cela représente près de 400 patients de moins vus chaque jour. Comment affirmer alors que les services à la population ne vont pas écoper?

«Il faut s'assurer que le personnel soit utilisé de façon plus efficace. Par exemple, si un médecin arrive en retard à une clinique et que le personnel ne fait rien durant ce temps, il y a de l'inefficacité», répond M. Rinfret. «Si un médecin est mal organisé et qu'il manque tel test de labo ou telle radiographie, le résultat c'est qu'il y a peut-être eu une visite de trop.»

Normand Rinfret est par ailleurs confiant de pouvoir vendre d'ici la fin de l'année le 1750, avenue Cedar, un bâtiment acheté du promoteur immobilier Vincent Chiara, par l'entremise d'un bail emphytéotique qui aurait coûté, à terme, 125 millions au CUSM. La transaction n'a pourtant jamais été autorisée par l'agence de la santé de Montréal. Trois acheteurs se seraient montrés intéressés pour y construire des condos.