Après la prise d'otages, la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) a exigé que l'Institut Philippe-Pinel améliore ses mesures de sécurité. Une «réorganisation» est en cours dans l'établissement, mais le directeur général, Jocelyn Aubut, est formel: pas question de transformer l'endroit en prison.

«Le 12 octobre, l'inspecteur de la CSST revient, et tout sera réorganisé à ce moment. Mais il n'y aura pas de risque zéro», prévient le Dr Aubut.

Il explique que l'Institut s'engagera notamment à mieux aménager certains bureaux, à mieux ranger certains objets potentiellement dangereux et à évaluer de façon «pas mal plus rigoureuse qu'avant» le potentiel de dangerosité des participants au programme pour délinquants sexuels.

Toutes les catégories de patients accueillis à l'Institut présentent un certain degré de dangerosité.

D'abord, les gens ayant commis des crimes, mais qui ont été jugés non criminellement responsables en raison de leur état mental (comme le cardiologue Guy Turcotte, qui a tué ses enfants). Ensuite, les gens qui, sans avoir commis un délit, sont jugés trop dangereux en raison de leur maladie. Viennent ensuite les gens qui doivent être soignés ou évalués avant de pouvoir avoir un procès.

Tous ces types de clientèles doivent être accueillis dans une perspective médicale et non carcérale, souligne le Dr Aubut.

«Nous ne sommes pas une prison. Ceux qui veulent aller travailler au «pen» [pénitencier], ils iront travailler au «pen»», martèle-t-il.

Il se défend bien de vouloir banaliser les enjeux de sécurité. «Les tensions entre sécurité et clinique, c'est constant au cours de notre histoire», dit-il.

Mais plusieurs employés ont affirmé à La Presse que l'Institut a relâché ses mesures de sécurité au cours des dernières années par peur de plaintes de patients. Selon le syndicat, cette peur est apparue dans la foulée du recours collectif entamé en 2003 par des patients qui s'estimaient traités à tort comme des criminels.

L'affaire s'est réglée à l'amiable récemment, l'Institut acceptant de payer un million de dollars en dommages et de modifier certaines pratiques trop contraignantes.

«Autrefois, la politique sur les fouilles était beaucoup plus systématique. Personne n'entrait à l'Institut comme patient ou visiteur sans une fouille assez complète, souvent jusqu'à la palpation», raconte la présidente du syndicat, Karine Cabana.

La direction a toujours nié que le recours collectif ait changé quoi que ce soit en la matière. Mais Mme Cabana croit que la prise d'otages lui a donné tort.

«Juste le fait que les gens aient pensé qu'il avait vraiment une arme à feu, c'est inquiétant. Avant, on aurait su que c'était un faux, parce que c'était impossible de faire entrer une arme à Pinel», dit-elle.

Mme Cabana croit aussi que le personnel n'est pas en nombre suffisant pour gérer la difficile clientèle psychiatrique, et que des situations dangereuses en résultent.

Elle cite le cas d'une intervenante agressée peu après la prise d'otages. La jeune éducatrice, qui avait moins d'un an d'ancienneté à l'Institut, s'est fait cogner la tête sur le plancher. Son supérieur lui a demandé de rester à son poste malgré sa douleur, car personne ne pouvait la remplacer et qu'il voulait éviter d'avoir à enfermer les patients dans leur chambre.

Le 28 avril dernier, inquiet pour la sécurité de ses membres, le syndicat a fait paraître un livre relatant des agressions contre des employés. «Nous leur avons prédit qu'un événement majeur risquait de se produire si rien n'était fait», raconte Mme Cabana.

Le lendemain, Alain Ducap a pris trois personnes en otages et entraîné le départ de 13 employés, blessés physiquement ou psychologiquement.*

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Accidents de travail à l'Institut Philippe-Pinel découlant d'une intervention auprès d'un patient, d'une agression physique ou d'un choc post-traumatique (sur 900 employés):

2010: 75

2009: 78

2008: 55

2007: 81

Source: Syndicat canadien de la fonction publique, section 2960