Un décompte réalisé par La Presse auprès de tous les établissements de santé du Québec montre que 2751 places, qui se trouvaient dans 77 résidences privées pour aînés (RPA) disséminées à travers le Québec, ont changé de vocation au cours de l’année 2023.

Une récente étude de l’Association québécoise des retraité(e)s du secteur public et parapublic en arrivait sensiblement aux mêmes chiffres avec des données qui chevauchaient 2022 et 2023.

Lisez le texte « Plus de 2500 locataires évincés en un an »

Le nombre de conversions est important dans plusieurs régions. En Mauricie et en Estrie, on retrouve un total de 24 résidences qui ont changé de vocation. Quelque 460 places ont ainsi été perdues en Estrie et 290 en Mauricie. Huit RPA ont fermé à Québec, qui comptaient 694 places (mais seulement 491 places étaient occupées au moment des fermetures).

Selon le Regroupement québécois des résidences pour aînés (RQRA), seulement 12 nouvelles résidences ont ouvert leurs portes en 2023 dans la province. Les régions de Chaudière-Appalaches et de Lanaudière ont par exemple connu des ouvertures de grandes résidences sur leur territoire l’an dernier et présentent donc, malgré les fermetures, un bilan positif pour le nombre de places.

À Montréal, malgré la réglementation adoptée par de nombreux arrondissements qui interdit en principe les reconversions de RPA, 10 résidences ont tout de même fermé leurs portes. Pas moins de 295 places en RPA se sont ainsi évaporées dans l’île.

INFOGRAPHIE LA PRESSE

« Point de rupture »

« Au moment où on a le plus besoin des RPA, certaines ferment », déplore le directeur des affaires publiques du RQRA, Hans Brouillette. Il rappelle que le vieillissement de la population en cours au Québec atteindra son pic en 2031 ; une personne sur quatre sera alors un aîné au Québec.

M. Brouillette explique que plusieurs facteurs font qu’il est de plus en plus difficile pour les résidences pour aînés de rester en activité. La conjoncture économique a notamment fait augmenter les taux d’intérêt et le coût de la vie. La pénurie de main-d’œuvre en santé fait aussi qu’il est de plus en plus coûteux et complexe pour une RPA de trouver du personnel et d’offrir des services à sa clientèle. Selon M. Brouillette, le milieu « atteint présentement un point de rupture ».

Pour plusieurs [résidences], les coûts nécessaires pour donner les services dépassent les revenus qu’elles génèrent.

Hans Brouillette, directeur des affaires publiques du RQRA

M. Brouillette souligne que les propriétaires d’immeubles locatifs ne sont « pas coincés par le volet main-d’œuvre et service » comme ceux des RPA. Avec le prix des aliments et de la main-d’œuvre qui augmente, « il y a de moins en moins d’intérêt à offrir des services d’assistance personnel dans les RPA ». La preuve : seule une douzaine de nouvelles RPA ont vu le jour au Québec en 2023, dit-il.

Les membres du RQRA espèrent des mesures d’aide du gouvernement. Notamment, ils plaident pour que les établissements de santé qui achètent des services à des RPA pour des patients en perte d’autonomie paient plus cher. « À plusieurs endroits, cet achat de services se fait au rabais », déplore M. Brouillette. Les RPA souhaitent aussi un crédit d’impôt sur la masse salariale.

Président de l’Association québécoise de défense des droits des personnes retraitées et préretraitées, Pierre Lynch croit pour sa part que le gouvernement devrait adopter un règlement pour encadrer la « décertification » des RPA. Car pour pouvoir exploiter une résidence privée, il faut se soumettre à un processus de certification du gouvernement. Selon lui, la fermeture d’une résidence devrait être assortie de règles ou conditionnelle à certaines exigences.

« On pourrait notamment devoir s’assurer au préalable qu’il y ait suffisamment de logements disponibles dans le quartier pour accueillir les évincés. Les RPA reçoivent de l’argent public par le biais des crédits d’impôt pour maintien à domicile. Elles ont une mission sociale. Ça prend des raisons valables de fermeture et plus d’encadrement », plaide M. Lynch.