Nombreux sont les enfants qui rêvent d'aller sur la Lune et, comme Tintin, de contempler un lever de Terre. Très peu de personnes peuvent aller au bout de ce rêve. Pour cette raison, les astronautes exercent l'une des dernières professions mythiques. Un troisième Québécois vient d'être nommé pour cette tâche grandiose.

Quand il était petit, David Saint-Jacques collectionnait les articles et les livres sur les missions lunaires du programme Apollo. Les images de la Terre vue de la Lune le fascinaient tout particulièrement. À 39 ans, son rêve d'enfance a subitement connu un deuxième souffle.

 

«J'avais un peu mis de côté l'idée de devenir astronaute», dit le Dr Saint-Jacques. On devient adulte, on se concentre sur ce qui est possible. Mais quand j'ai vu l'appel de candidatures, l'an dernier, je n'ai pas hésité une seconde. Pour moi, les astronautes sont l'équivalent moderne des explorateurs et des découvreurs.»

Il y a 10 jours, le Dr Saint-Jacques a été l'un des deux nouveaux astronautes présentés au pays. Il a été choisi parmi 5300 personnes qui avaient envoyé un dossier complet, et après un an d'examens exigeants qui comprenaient des simulations d'incendie. Cette reconnaissance exceptionnelle de son talent lui vaut d'être nommé Personnalité de la semaine par La Presse et Radio-Canada.

Le nouvel astronaute québécois est sportif. Il a fait du ski alpin de compétition durant son adolescence, des tournois d'aviron à Cambridge, la traversée alpine entre Chamonix et Zermatt et du surf-cerf-volant dans le Grand Nord.

David Saint-Jacques a grandi à Saint-Lambert. Il a fait un baccalauréat en génie physique à Polytechnique, puis un doctorat en astrophysique à Cambridge, en Angleterre, sur «l'interférométrie optique», une manière d'augmenter la résolution des télescopes. Il a obtenu un postdoctorat au Japon sur les manières de contrecarrer la turbulence de l'atmosphère terrestre, puis il a fait sa médecine à l'Université Laval. Son expertise en astronomie est certainement un avantage pour le métier d'astronaute.

Il était jusqu'en mai professeur adjoint à l'Université McGill et il pratique la médecine au Centre de santé Inuulitsivik, à Puvirnituq. Pourquoi ce changement de direction après tant de succès en astrophysique? «J'avais besoin d'avoir un impact plus concret, plus immédiat, plus utile sur la vie.» Il a fait des stages dans des camps palestiniens et au Guatemala. Son père était lui-même professeur de physique à l'université, et sa mère enseignait l'histoire au secondaire.

Le futur astronaute est assoiffé d'aventures. Il y a quelques années, lors du mariage de l'un de ses amis en Californie, il est arrivé en retard à une excursion de pêche en haute mer. Qu'à cela ne tienne: il a pris un petit bateau de pêcheur et a retrouvé ses amis même s'ils étaient partis depuis deux heures. «J'ai simplement décrit mes amis aux pêcheurs, qui m'ont dit qu'ils se trouvaient derrière une île qu'ils m'ont indiquée», commente le Dr Saint-Jacques comme s'il s'agissait d'une réaction banale.

Des amis confient qu'il est capable de résoudre le cube Rubik en un peu plus d'une minute et que sa maîtrise du japonais, après avoir passé une seule année dans un observatoire nippon durant ses études postdoctorales, est impressionnante.

Surdoué, certes, David Saint-Jacques est aussi profondément sociable: au beau milieu de la dernière ligne droite de la sélection des astronautes, c'est chez lui, à Montréal, que les quatre finalistes se sont réunis pour un souper d'encouragement, à la fin du mois d'avril.

Le Dr Saint-Jacques attribue à sa famille son goût pour les voyages et les langues étrangères. Son père les emmenait régulièrement à l'étranger, ses deux frères et lui, et presque tous les étés ils suivaient en Volkswagen Westfalia la route des congrès d'astrophysique en Europe. «C'est l'une des choses les plus précieuses que m'ont données mes parents. J'ai passé mes étés en Europe en Westfalia. Je suis devenu complètement à l'aise en anglais à Londres, quand j'étais adolescent.»

Dans une récente entrevue avec un quotidien montréalais, il a mentionné que son plus grand défaut est de chercher à se débrouiller seul devant l'adversité. «C'est vrai, je suis conscient qu'il faudra absolument éviter ça dans la Station spatiale», commente-t-il quand La Presse lui demande plus de détails à ce sujet. A-t-il des anecdotes à raconter où cette indépendance l'a desservi? «J'ai beau y penser, je ne crois pas. Quand je suis arrivé dans le Grand Nord, les médecins principaux m'ont dit de les réveiller s'il y avait un problème durant ma garde. Quand je suis arrivé devant un cas grave, je n'ai pas hésité.»

En fin d'entrevue, La Presse lui a demandé s'il souhaitait ajouter quelque chose à ses propos. «Je voudrais souligner le soutien de ma fiancée, a dit le Dr Saint-Jacques sans hésiter. Elle m'a beaucoup appuyé dans le processus, elle était là pour moi dans l'attente. Sans elle, je ne serais pas ici.» La conjointe du nouvel astronaute, qui est une jeune médecin, le suivra à Houston dans leurs nouvelles aventures.