Près d’un millier de Québécois ont dû être évacués mardi dans un large corridor au centre de la province où une « rivière atmosphérique » a déversé jusqu’à 150 millimètres de pluie par endroits. Aucun blessé n’a été rapporté, mais des infrastructures ont été endommagées, tandis que le retour à la maison devra attendre à ce mercredi pour certains.

Ce qu’il faut savoir 

Entre 100 et 150 mm de pluie sont tombés par endroits depuis lundi sur plusieurs régions du Québec situées dans un large corridor allant de l’Estrie à la réserve faunique des Laurentides, dans la région de la Capitale-Nationale.

Des routes et des chemins ont été sectionnés par la crue soudaine de certaines rivières, forçant l’évacuation de résidences ainsi isolées.

Des évacués, comme à Sainte-Brigitte-de-Laval, devront attendre jusqu’à ce mercredi avant de pouvoir réintégrer leurs maisons, le temps que le débit des rivières se calme.

« On a des bris de chemins, des routes qui sont sectionnées, des ponceaux qui cèdent, et ça mène à des résidences isolées, et donc à des évacuations », indique un porte-parole du ministère de la Sécurité publique (MSP), Joshua Ménard-Suarez.

La majorité des dégâts et des évacuations se concentrent dans les régions situées dans le corridor du système dépressionnaire, soit en Estrie (Bury, Potton, Sherbrooke), dans le Centre-du-Québec (Victoriaville), en Mauricie, dans la Capitale-Nationale (Sainte-Brigitte-de-Laval, Beaupré, Saint-Raymond, Saint-Urbain) et dans Chaudière-Appalaches.

PHOTO FRANÇOIS GERVAIS, LE NOUVELLISTE

Effondrement de la route de la Traverse à Lac-aux-Sables, en Mauricie

« Les municipalités, au fur et à mesure que la journée avance, vont accumuler les observations sur leur territoire. Plus elles vont être au courant de ce qui se passe chez elles, plus ça se pourrait que le chiffre des évacuations augmente », avait prévenu Joshua Ménard-Suarez plus tôt en journée.

Une « rivière atmosphérique » en cause

À la source de toute cette pluie : un phénomène météorologique bien connu sur la côte ouest américaine et appelé « rivière atmosphérique », quoique de moindre ampleur, explique le chef de service de la météorologie à MétéoMédia, André Monette.

PHOTO MAXIME PICARD, LA TRIBUNE

Plusieurs cours d’eau de la région estrienne ont gonflé rapidement, comme la rivière Magog au centre-ville de Sherbrooke.

« Ce qu’on a vécu, c’est comme une mini-rivière atmosphérique », dit-il. Ce phénomène météorologique consiste en une masse d’air chaud gorgée d’humidité en provenance de l’océan, dans ce cas-ci l’Atlantique, qui se déverse sur les terres.

La particularité de l’épisode qu’a connu le Québec dans les derniers jours est qu’il s’est produit alors que les températures étaient très élevées, ce qui a fait en sorte que l’air pouvait emmagasiner encore plus d’humidité qu’en temps normal.

Or, « on a été chanceux dans notre malchance, car ç’aurait pu être pire », indique André Monette. Le météorologue donne en exemple le cas de l’État voisin du Vermont, où jusqu’à 250 mm de pluie se sont abattus par endroits dans le cadre du même évènement météorologique.

Au Québec, ce sont plutôt entre 100 et 150 mm de pluie qui sont tombés en l’espace de 48 heures sur plusieurs secteurs du centre de la province. Les plus importantes quantités ont été reçues dans le sud de l’Estrie, entre les municipalités de Sutton et Coaticook, indique André Monette.

État d’urgence à Sainte-Brigitte-de-Laval

Une fois les précipitations terminées, la situation devrait se stabiliser, a indiqué le porte-parole du MSP, Joshua Ménard-Suarez. Pour plusieurs, le retour à la maison devra toutefois attendre à ce mercredi.

C’est ainsi qu’en mi-journée, mardi, la municipalité de Sainte-Brigitte-de-Laval, au nord de Québec, a déclaré l’état d’urgence local pour une période de 48 heures « en raison de l’évacuation de résidants suite aux inondations en cours et la nécessité de relocaliser temporairement ceux-ci dans des lieux d’hébergement ».

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L’accès à un pont sur la rivière Montmorency a été interdit à Sainte-Brigitte-de-Laval. 

Plus tôt dans la journée, la municipalité rapportait qu’environ 225 résidences étaient évacuées, soit approximativement 650 personnes.

Compte tenu d’une hausse prévue du débit de la rivière Montmorency en fin de soirée mardi, celles-ci devront passer une deuxième nuit à l’extérieur de leur maison, a indiqué le directeur général de la municipalité, Marc Proulx.

« On va attendre vraiment un 24 heures que la situation soit stable et que la tendance soit à la baisse avant de contacter les gens […] pour se prononcer sur une heure et une date de retour éventuelles », a-t-il expliqué.

Dans le parc national de la Jacques-Cartier, au nord de Québec, des campeurs n’ont pu être évacués à temps mardi et sont donc bloqués. « Tout le monde a été rejoint et est en sécurité et calme », a toutefois assuré un porte-parole de la SEPAQ, Simon Boivin. « Si au cours de la journée l’eau redescend, on va les sortir, ou autrement avec un bateau ou autre. »

La rivière Saint-François sous surveillance

Les importantes quantités de pluie qui sont tombées en Estrie depuis lundi ont fait augmenter le niveau de la rivière Saint-François, qui traverse notamment le centre-ville de Sherbrooke.

La Ville affirmait mardi matin qu’elle procédait à de premières évacuations préventives dans certaines rues à proximité de la rivière. En soirée, la majorité des 638 riverains évacués ont pu réintégrer leur domicile par étape, a rapporté le quotidien La Tribune.

PHOTO MAXIME PICARD, LA TRIBUNE

Des policiers de Sherbrooke ont cogné aux portes pour demander à certaines personnes de quitter leur domicile.

« On est passé de 8 pieds à 21 pieds en moins de quatre heures, c’est une quantité d’eau extraordinaire », avait plus tôt indiqué le directeur du Service de protection contre les incendies de Sherbrooke (SPCIS), Stéphane Simoneau.

Une telle situation en plein été, « c’est du jamais-vu », a ajouté la mairesse de Sherbrooke, Évelyne Beaudin, lors d’un point de presse sous la pluie mardi matin.

PHOTO MAXIME PICARD, LA TRIBUNE

La pluie qui est tombée en Estrie depuis lundi a fait augmenter le niveau de la rivière Saint-François à Sherbrooke.

« Avant, on était capable d’avoir un modèle, une recette d’intervention » qui permettait de prévoir l’augmentation du niveau d’eau de la rivière en fonction de la quantité de pluie, mais maintenant, « on constate que nos modèles sont moins consistants » en raison des changements climatiques, a ajouté la mairesse Beaudin.

À noter que le ministère de la Sécurité publique n’a rapporté aucun blessé en lien avec cet épisode d’inondations.

Avec Lila Dussault, La Presse, et La Presse Canadienne

Des avertissements en vigueur dans plusieurs régions

Charlevoix

La rivière du Gouffre, qui était sortie de son lit et avait causé des dégâts majeurs en mai dernier, a de nouveau provoqué des « inondations majeures », à environ 80 mètres en amont du pont du village de Saint-Urbain au courant de l’après-midi, mardi.

SEPAQ

La Société des établissements de plein air du Québec (SEPAQ) a annoncé la fermeture de sites de camping dans la région de Charlevoix, dont ceux du Pin-Blanc et de l’Équerre, tous deux situés au parc national des Hautes-Gorges-de-la-Rivière-Malbaie. L’accès au mythique sentier de l’Acropole-des-Draveurs a aussi été interdit pour la journée dans ce dernier secteur, tout comme dans celui du parc national de la Jacques-Cartier.

Capitale-Nationale

En fin d’après-midi, à Tewkesbury, près de Stoneham, les autorités ont procédé à l’évacuation du secteur de la Jacques-Cartier. Des résidences avaient également été évacuées plus tôt en journée à Beaupré.

Mauricie

Plusieurs chemins ont été endommagés ou fermés en raison des fortes précipitations. C’est le cas notamment à Saint-Casimir, Sainte-Anne-de-la-Pérade et Lac-aux-Sables. Cette dernière municipalité a indiqué en milieu d’après-midi qu’une douzaine de chemins situés sur son territoire étaient entravés.

Estrie

Dans la municipalité d’Eastman, le service d’incendie a procédé mardi à l’évacuation de résidences, et les services municipaux ont recensé un certain nombre de chemins et de routes impraticables. Des fermetures de routes et des évacuations ont également eu lieu à Cookshire-Eaton.