Les analyses écologiques effectuées relativement au projet de construction d’une route traversant le parc national du Mont-Tremblant pour relier les régions des Laurentides et de Lanaudière resteront secrètes.

La Société des établissements de plein air du Québec (SEPAQ) a refusé de transmettre ces documents à La Presse, qui les avait réclamés en vertu de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels.

« La SEPAQ détient des documents répondant à votre demande, [mais] nous ne pouvons vous les transmettre, tel que nous le permettent les articles 22, 37, 38, et 39 de la Loi », écrit la responsable de l’accès aux documents de la société d’État dans sa réponse à La Presse.

Les articles de la Loi invoqués par la SEPAQ indiquent plutôt qu’un organisme public « peut refuser de communiquer » un avis, une analyse ou une recommandation qui datent de moins de dix ans ou qui ont été produits dans le cadre d’un processus décisionnel en cours, ou encore un renseignement industriel, financier, commercial, scientifique ou technique « dont la divulgation risquerait vraisemblablement d’entraver une négociation en vue de la conclusion d’un contrat ».

Les documents que détient la SEPAQ sont un rapport de caractérisation daté d’avril 2022, deux suppléments écologiques datés d’avril et juin 2022 et une « étude de caractérisation écologique et aquatique complémentaire », datée de février 2023.

Les trois premiers documents ont été produits par la firme Biodiversité Conseil de la biologiste Kim Marineau, chargée de cours à l’Université de Sherbrooke, tandis que le quatrième provient du Groupe Synergis, né d’un regroupement de la firme BC2, du Groupe Conseil Nutshimit-Nippour et du Groupe DESFOR.

Intérêt public

L’intérêt public de ces documents est indéniable, aux yeux du biologiste Alain Branchaud, directeur général de la section québécoise de la Société pour la nature et les parcs (SNAP).

Dans un contexte de crise de confiance à propos de la valeur des avis de firmes externes qui sont commandés par des promoteurs de projets, et dans ce cas-ci la SEPAQ est le promoteur, c’est pertinent de rendre publics ces documents-là, parce qu’on pourrait voir la qualité des analyses qui sont faites.

Alain Branchaud, directeur général de la section québécoise de la Société pour la nature et les parcs (SNAP)

Parmi les renseignements susceptibles de se retrouver dans ces analyses figurent les espèces recensées, notamment celles qui sont dans une situation précaire, les risques associés à la perturbation de leur habitat ou encore l’impact sur l’intégrité du parc, énumère M. Branchaud.

« Si les études sont bien faites, peut-être que des colliers émetteurs ont été utilisés [chez certaines espèces comme le loup] pour voir combien de fois ils franchissent la route », pour analyser le potentiel de collision, ajoute-t-il.

Ces documents peuvent certes contenir des informations délicates, comme la localisation précise de certaines espèces précaires, mais ces détails pourraient être caviardés sans que tout le document soit caché au public, nuance Alain Branchaud.

« Dans une perspective de conservation, je pense que l’essentiel de ces documents-là devrait être rendu public », dit-il.

Route de transit

Le projet de la SEPAQ consiste à élargir et asphalter sur une trentaine de kilomètres la route 3, qui est actuellement un chemin de gravier fermé l’hiver, pour permettre d’y circuler à 50 km/h toute l’année.

Cette « route panoramique », dotée d’une bande cyclable et de haltes, créerait un lien de transit entre les municipalités de Saint-Donat et de Saint-Michel-des-Saints, que les automobilistes pourraient emprunter sans avoir à payer le droit d’accès au parc, s’ils ne font que le traverser, projette la SEPAQ.

Or, le projet n’a pas fait l’objet d’une évaluation environnementale, a rapporté La Presse le 27 février.

La SEPAQ avait d’abord affirmé que la réalisation d’une « étude d’impact globale du projet » n’était pas requise, avant d’indiquer qu’il faudrait attendre la réalisation des plans et devis pour déterminer si une telle étude devrait être menée.

La Loi sur les parcs affirme que l’objectif « prioritaire » d’un parc national est d’« assurer la conservation et la protection permanente » d’un territoire.

La SEPAQ a le double mandat de gérer les activités de conservation et les activités de plein air, d’accueil et d’hébergement dans les parcs nationaux au sud du 50e parallèle.

Lisez l’article « Parc national du Mont-Tremblant : une route sans évaluation environnementale »
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  • 1510 km⁠2
    Superficie du parc national du Mont-Tremblant
    SOURCE : SOCIÉTÉ DES ÉTABLISSEMENTS DE PLEIN AIR DU QUÉBEC (SEPAQ)