(Îles-de-la-Madeleine) « On refoule nos larmes. »

  • Maison détruite par le passage de Fiona, à Havre-Aubert, aux Îles-de-la-Madeleine

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    Maison détruite par le passage de Fiona, à Havre-Aubert, aux Îles-de-la-Madeleine

  • Après le passage de la tempête post-tropicale Fiona, les Madelinots constataient les dégats

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    Après le passage de la tempête post-tropicale Fiona, les Madelinots constataient les dégats

  • Colette et Michel Theriault sur la plage de la Dune du Sud, dans le secteur de Havre-aux-Maisons

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    Colette et Michel Theriault sur la plage de la Dune du Sud, dans le secteur de Havre-aux-Maisons

  • Un poteau électrique gît devant la maison de Denis Cormier et Diane Couillard, à Havre-Aubert.

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    Un poteau électrique gît devant la maison de Denis Cormier et Diane Couillard, à Havre-Aubert.

  • Vue sur La Grave, où la recharge de plage a limité quelque peu les dégâts

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    Vue sur La Grave, où la recharge de plage a limité quelque peu les dégâts

  • Voilier poussé par les vents à la marina de Havre-Aubert

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    Voilier poussé par les vents à la marina de Havre-Aubert

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Colette Thériault et sa sœur Louise s’étreignent avec émotion pendant de longues minutes. Comme pour se donner du courage devant l’ampleur de la dévastation sous leurs yeux.

Les deux femmes tentent de ne pas pleurer, mais c’est peine perdue.

Au passage de La Presse dimanche, elles venaient de découvrir que Fiona leur avait grugé une grande partie de « leur coin de paradis » en plus d’endommager leurs propriétés.

Le soleil est revenu aux Îles-de-la-Madeleine, mais les mines sont longues dans les secteurs côtiers les plus touchés par la tempête post-tropicale.

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Louise Thériault (en noir) et une amie venue l’aider après le passage de la tempête

Les Madeliniennes sont « voisines de chalet ». Leurs résidences secondaires sont situées en bordure de la mer, sur la Dune du Sud, dans le secteur de Havre-aux-Maisons. Celle de Louise a été soufflée par les forts vents. Elle est « perte totale », se désole-t-elle. Celle de Colette a été endommagée.

« C’est la plus belle place au monde, ici. Écrivez-le », insistent les deux sinistrées auprès de la représentante de La Presse alors qu’elles s’affairent avec des amis à évaluer l’ampleur des dégâts.

Un lieu idyllique menacé par les tempêtes de plus en plus fortes qui frappent l’archipel du golfe du Saint-Laurent. Elles en sont bien conscientes.

La dune a été « mangée » d’au moins 30 pieds par la tempête, constatent les sœurs Thériault, et ce, malgré les nombreux remparts de protection installés ici ces dernières années par des groupes environnementaux.

Des ballots d’aulne, des casiers à homard et des ganivelles (clôtures formées par l’assemblage de lattes de bois) avaient été mis en place pour retenir le sable et ainsi limiter l’érosion.

Tous disparus aujourd’hui. Emportés par la marée ou soufflés par les vents ? Personne ne sait.

Colette Thériault insiste pour dire qu’elle est « lucide » par rapport aux menaces climatiques. Cela fait trois ans qu’elle multiplie les démarches pour éloigner son chalet de la mer. « Ça prend du temps pour obtenir les autorisations de la municipalité et surtout, trouver de la main-d’œuvre pour le faire », déplore-t-elle.

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Colette et Michel Thériault

Leur frère Michel débarque en VTT pour prêter main-forte pendant que Colette nous raconte ses déboires. C’est que sa propriété principale – située dans le secteur de La Martinique – a aussi subi d’importants dommages.

« Mes deux maisons sont touchées, ajoute la femme, secouée. J’attends M. Legault pour lui montrer. Il est mieux de tenir sa promesse de nous aider. » Le premier ministre sortant est attendu aux Îles ce lundi ; une visite prévue avant la tempête.

Michel a une surprise pour réconforter les deux sinistrées. Il revient de pêcher la palourde. Il en a une caisse pleine accrochée à l’arrière du véhicule. « La marée haute les jette sur la plage. On les récolte à marée basse », nous explique-t-il. Tôt dimanche matin, ce pêcheur de homards à la retraite en a récolté trois caisses.

Le sympathique retraité réussit à faire apparaître un sourire sur le visage de ses sœurs ébranlées.

« On va se relever »

À une quarantaine de kilomètres de là, à l’extrémité sud de l’archipel, à Havre-Aubert, les mines sont aussi déconfites.

« Notre saison se termine abruptement », lance Nathalie Bénard, qui est propriétaire du Café de la Grave avec son conjoint et sa fille.

Le populaire café du site touristique a été inondé comme plusieurs autres commerces de ce secteur côtier. Sa hotte de cuisine a été arrachée, donc impossible de rouvrir la cuisine.

Le frigo était plein. « Va falloir essayer de vendre son contenu pour limiter les pertes », suggère Mme Bénard, qui refuse de se laisser abattre.

« On va se relever », ajoute-t-elle pour encourager sa fille et son conjoint, fort occupés à nettoyer les lieux.

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Marie-Claude Vigneault, copropriétaire du Café de la Grave, à Havre-Aubert

« Au moins, c’est juste du matériel », ajoute sa fille Marie-Claude Vigneault, les larmes aux yeux. Ici, tout le monde se demandait si les travaux d’enrochement récemment effectués au coût de plus de sept millions de dollars pour protéger les berges et limiter la submersion côtière allaient être efficaces.

La mer a passé par-dessus la recharge de plage, mais visiblement cela a freiné la violence des vagues, constatent les propriétaires des lieux. N’empêche, le choc est brutal, confie Mme Vigneault.

En 2019, on a fini la saison touristique avec la tempête Dorian, après ça, ça a été la pandémie, ça fait beaucoup à encaisser en peu de temps.

Marie-Claude Vigneault, copropriétaire du Café de la Grave, à Havre-Aubert

Leur voisine propriétaire d’une chocolaterie a aussi eu une très mauvaise surprise : sa terrasse a été emportée par l’eau. « On s’en serait bien passé », lâche Linda Lebel, qui a acheté son commerce en pleine pandémie et qui n’est pas assurée contre les inondations puisqu’elle se trouve en zone inondable.

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Linda Lebel, dont la chocolaterie a été endommagé par la tempête

« Au moins, la boutique est encore debout », souligne la commerçante résiliente. Mme Lebel faisait des cafés pour tous ses voisins au passage de La Presse. Son téléphone ne dérougit pas. Ses amis prennent des nouvelles et lui offrent de passer pour l’aider à nettoyer les dégâts.

« C’est ça les Îles, tout le monde s’entraide », lance la généreuse chocolatière.

À l’extrémité de la route 199 à Havre-Aubert, de nombreux objets hétéroclites jonchent la chaussée. Une vieille motoneige ici. Une voiture avec le coffre arrière ouvert là. Une maison a été complètement détruite par la mer. Au quai, un voilier a été renversé.

Les dégâts sont partout.

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Yvon Cormier, croisé à Havre-Aubert

« On a été chanceux. Ça aurait pu être plus grave », lâche Yvon Cormier, un retraité venu voir si son bateau avait été épargné. « À la marina, samedi, la mer était six pieds plus haute que d’habitude, raconte-t-il. Ça a fait tout un mess. »

Comme la plupart des Madelinots croisés au lendemain de la tempête, M. Cormier est soulagé de constater que les dommages se résument à des pertes matérielles. Mais, en même temps, inquiet pour l’avenir de son archipel : « Les tempêtes sont de pire en pire. Un moment donné, il y en a une qui va être trop grosse pour qu’on résiste. » Cette fois-ci, son bateau a été épargné.

Un couple de Havre-Aubert a connu un réveil brutal dans la nuit de vendredi à samedi. Le toit de sa maison mobile s’est envolé pour atterrir sur le terrain du voisin d’en face, situé de l’autre côté de la 199. « Ça a fait un blow (explosion) », décrit Denis Cormier, encore sous le choc. Le poteau électrique situé devant chez lui a cassé. L’eau s’est infiltrée dans sa résidence.

Au passage de La Presse, sa conjointe, Diane Couillard, était en train de grimper dans une échelle pour constater l’étendue des ravages. « Dame Nature, tu ne contrôles pas ça », conclut-elle, l’air résigné.

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Denis Cormier et Diane Couillard devant leur maison dont le toit a été arraché par les vents.