Cinq hauts fonctionnaires de la Ville de Sainte-Thérèse, dans les Laurentides, ont démissionné depuis l’arrivée au pouvoir du maire Christian Charron, en novembre. L’un des démissionnaires et des conseillers municipaux dénoncent de l’ingérence excessive de sa part et craignent que les services aux résidants en souffrent.

Le directeur de l’urbanisme, Nicola Cardone, a remis sa démission en novembre. La directrice des communications, Mélissa Collins, a quitté la Ville en juin. Le directeur des travaux publics, Roch Arbour, est parti ce mois-ci. La directrice générale, Chantal Gauvreau, a aussi remis sa démission et doit quitter ses fonctions dans les prochains mois.

« Il est tout à fait normal que des personnes quittent pour accepter des responsabilités plus importantes ailleurs », a écrit le maire Charron sur sa page Facebook samedi dernier. « Ces départs sont synonymes de renouveau […] ce qui est toujours bénéfique pour une organisation. »

Tous ne voient pas les choses du même œil. « La saine gestion de notre ville et la sécurité des citoyens sont en péril », peut-on lire dans une missive adressée mercredi à la ministre des Affaires municipales, Andrée Laforest, que La Presse a pu consulter. « Nous sommes grandement inquiets de cette énorme perte au niveau de l’expertise et nous avons eu comme information que tout cela a été causé par l’ingérence du maire », poursuit le message signé par quatre des huit conseillers municipaux.

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Christian Charron, maire de Sainte-Thérèse

Le même jour, le directeur général adjoint de Sainte-Thérèse, Robert Asselin, a également remis sa démission dans un courriel obtenu par La Presse. « Ce maire refuse de travailler en collaboration avec moi dans un climat de respect et de confiance », y déplore M. Asselin, qui travaille pour la Ville depuis 24 ans. Il reproche notamment à M. Charron de l’avoir convoqué à deux reprises pour l’aviser qu’il ne pouvait pas « le contredire devant d’autres élus ».

En entrevue avec La Presse, le maire Charron admet qu’il a « dit à M. Asselin : “Quand je propose quelque chose, le mieux, c’est qu’on dise la même chose” », ajoutant qu’il est difficile d’obtenir un consensus avec un conseil municipal divisé. Outre le maire, quatre conseillers se sont présentés avec son parti. Les quatre autres sont les signataires de l’appel à l’aide à la ministre Andrée Laforest.

Considérant ce que j’ai vu et entendu depuis l’arrivée de ce maire et de son conseil de Ville, je crains d’être victime, au cours des prochains mois, de gestes qui pourraient nuire à la prestation des services que je dois rendre.

Robert Asselin, directeur général adjoint de Sainte-Thérèse, dans son courriel de démission

M. Asselin craint par exemple de « recevoir des demandes abusives ou non fondées » et d’être « contourné lors de la transmission de diverses demandes » aux fonctionnaires.

« Un grand niveau d’ingérence »

Nicola Cardone est le seul démissionnaire avec qui La Presse a pu s’entretenir. Il dit avoir entamé une réflexion sur son avenir professionnel il y a quelques années, mais que le « climat au travail » a précipité sa décision de quitter la Ville de Sainte-Thérèse. L’ancien directeur de l’urbanisme dénonce « un grand niveau d’ingérence dans toutes les sphères professionnelles de la Ville » de la part du maire.

M. Charron se défend de faire de l’ingérence, et parle plutôt d’un changement de culture depuis qu’il a défait la mairesse sortante, Sylvie Surprenant, qui était en poste depuis 2005. Dans l’ancienne administration, « c’était les fonctionnaires qui géraient la Ville », dit-il. Le maire soutient avoir une attitude de collaboration et d’écoute, ce que les conseillers de son parti avec qui La Presse s’est entretenue ont aussi répété. Dans sa réponse à M. Asselin, le maire l’accuse d’avoir « un style expéditif et tranchant » et de faire preuve « d’intransigeance, de rigidité et de fermeture ».

S’il décrit la vague de démissions comme normale sur Facebook, M. Charron admet en entrevue n’avoir jamais vu autant de départs en si peu de temps.

Celui qui était auparavant conseiller municipal estime toutefois que les remplacements ne poseront pas de problème, malgré la pénurie de main-d’œuvre qui touche pratiquement tous les secteurs de l’économie.

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Luc Vézina, conseiller municipal de Sainte-Thérèse

Le conseiller municipal Luc Vézina croit au contraire qu’il sera difficile de trouver des remplaçants à la hauteur de l’expertise des démissionnaires, et que les citoyens vont nécessairement en souffrir. Il craint aussi, comme les autres conseillers de son parti et M. Cardone, que d’autres fonctionnaires quittent aussi le navire.

Le ministère des Affaires municipales n’avait pas donné suite aux demandes de La Presse au moment de publier ce texte.