Une dizaine d'entrepreneurs qui souhaitent à construire des habitations dans le corridor de la rivière Rouge, le « joyau du rafting » qu'Hydro-Québec compte privatiser, sont entrés en contact avec le propriétaire du terrain voisin qui sert de principal accès à ce territoire, a appris La Presse.

Tommie Lopes, qui possède un terrain de 40 acres qui jouxte celui d'Hydro-Québec à Grenville-sur-la-Rouge, s'est fait contacter à plusieurs reprises par des gens intéressés à investir. Il craint que ceux qui mettront la main sur le corridor de la Rouge ne finissent par dénaturer ce lieu unique au Québec, en plus de mettre fin à l'industrie du rafting qui accueille plus de 20 000 participants chaque année.

« Oui, le schéma d'aménagement oblige le futur acheteur à faire un usage récréotouristique, dit-il. Or, ce mot peut être interprété de plusieurs façons... Aussi, on sait qu'en tirant les bonnes cordes, un zonage, ça se change. »

La décision d'Hydro-Québec de mettre en vente les 4,7 kilomètres carrés du corridor de la rivière Rouge a provoqué une levée de boucliers. L'organisme Fondation Rivières a d'ailleurs écrit au premier ministre François Legault pour dénoncer le projet.

Pour l'auteur-compositeur-interprète Paul Piché, parrain de la rivière Rouge à la Fondation Rivières, le gouvernement québécois doit « protéger et rendre accessibles » des endroits magistraux comme le corridor de la rivière Rouge.

« Tout le monde semble bien intentionné dans ce dossier, mais personne ne fonce vers l'idée de protéger ce territoire, dit M. Piché. Ça prendrait l'intervention du gouvernement. Les rapides, les chutes, ce sont des endroits absolument inspirants. Ce sont des cathédrales d'eau. »

Protection en cause

Une source proche du dossier chez Hydro-Québec déplore que la municipalité de Grenville-sur-la-Rouge ait cosigné la lettre envoyée au premier ministre par la Fondation Rivières alors que, dans le passé, elle avait plutôt manifesté son intérêt pour l'achat du corridor de la rivière Rouge à condition que les entreprises de rafting n'y aient plus accès.

« La municipalité demande la protection, mais elle a refusé d'acheter le terrain quand Hydro était prête à le lui vendre à rabais. La municipalité voulait le terrain, mais seulement s'il n'y avait plus de passage des gens du rafting. »

Au micro de Paul Arcand, hier matin, le président d'Hydro-Québec, Éric Martel, a dit qu'il étudierait le dossier de la vente du corridor de la rivière Rouge au cours des prochains jours.

« C'est clair que [préserver l'industrie touristique] va être un des facteurs importants dans la décision », a-t-il dit, sans toutefois aller jusqu'à s'engager à préserver les baux, qui ont permis à l'industrie du rafting de la Rouge de prospérer et de devenir une référence en Amérique du Nord.