Le gouvernement Trudeau a récemment exprimé ses préoccupations de vive voix aux autorités américaines au sujet des possibles conséquences néfastes sur l'environnement que pourrait avoir le projet d'agrandissement d'un dépotoir situé à 700 mètres du lac Memphrémagog, à Coventry, dans l'État du Vermont.

Un porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Stefano Maron, a indiqué à La Presse que des hauts-fonctionnaires de ce ministère et du ministère de l'Environnement ont soulevé ce dossier avec leurs vis-à-vis américains au cours des dernières semaines afin de faire valoir les inquiétudes du gouvernement canadien.

M. Maron a précisé que ce dossier est sur la liste des priorités des deux ministères d'autant plus que l'Agence des Ressources naturelles (ARN) du Vermont a donné le feu vert au projet d'agrandissement de 51 acres du site d'enfouissement, qui appartient à la New England Waste Services of Vermont (NEWSVT, vendredi dernier, et que cette décision peut être contestée durant une période de 30 jours.

« Des représentants d'Affaires mondiales Canada et d'Environnement et Changement climatique Canada suivent la situation de près. Ils ont rencontré des représentants des États-Unis pour partager les préoccupations du Canada concernant l'agrandissement du site d'enfouissement et continueront de soulever la question », a indiqué M. Maron dans un courriel.

« Avant de commencer, le projet (d'agrandissement) doit franchir des étapes supplémentaires dans le processus d'approbation, y compris le processus prévu à la Loi 250 (Act 250) de l'État du Vermont », a-t-il ajouté, laissant ainsi entendre que cette décision est loin d'être irrévocable aux yeux des autorités canadiennes et peut donc être infirmée.

M. Maron a par ailleurs souligné que la Commission mixte internationale (CMI),  qui a le mandat de régir l'utilisation des eaux communes au Canada et aux États-Unis et d'enquêter sur les problèmes transfrontaliers au besoin, mène actuellement une étude sur la qualité de l'eau des lacs Champlain et Memphrémagog.

Résultat : la CMI compte remettre aux deux pays tout résultat qui pourrait avoir un lien avec le site d'enfouissement de Coventry.

« La Commission mixte internationale, qui fonctionne sans lien de dépendance avec les gouvernements du Canada et des États-Unis, étudie actuellement la charge en éléments nutritifs dans les lacs Champlain et Memphrémagog. Bien que l'étude ne porte pas expressément sur le site d'enfouissement, la CMI est au courant des préoccupations et communiquera les résultats de toute constatation qui pourrait se rapporter à ce dossier », a-t-il dit.

Lundi soir, le conseil municipal de Newport, au Vermont, a joint le camp de ceux qui s'opposent à l'agrandissement du dépotoir après avoir entendu les craintes du président du Memphrémagog conservation inc. (MIC), Robert Benoit, et du groupe du Vermont  DUMP (Don't Undermine Memphremagog Purity).

Le conseil municipal a également adopté une autre résolution à l'unanimité qui aura pour effet de mettre fin au traitement du lixiviat - le jus des ordures - du site d'enfouissement à son usine d'épuration, forçant ainsi la NEWSVT à se trouver une option de rechange.

« Nous sommes très heureux de la décision du conseil municipal. Pour nous c'est une grande victoire. Cela fait longtemps qu'on se battait pour cette décision », a affirmé M. Benoit à La Presse mardi au sujet de la décision de Newport de ne plus traiter le lixiviat.

En moyenne, l'usine d'épuration de Newport traitait l'équivalent de 12 camions-citernes ou 56 781 litres de lixiviat par jour en provenance du site de Coventry avant de le rejeter dans la partie américaine du lac Memphrémagog. La NEWSVT pourrait se tourner vers l'usine d'épuration d'eau de Burlington, de Montpellier, Essex ou de Barre, des villes avec qui elle a déjà une entente.

Aux Communes, mercredi, le député libéral de Brome-Mississquoi, Denis Paradis, qui a tiré la sonnette d'alarme cette semaine après avoir pris connaissance de la décision de l'Agence des Ressources naturelles (ARN) du Vermont, a lancé un autre appel à la mobilisation pour stopper le projet controversé.

« Le lac Memphrémagog est l'un des deux lacs transfrontaliers sur le territoire de Brome-Missisquoi. La plus grande partie de ce lac se trouve au Canada et il sert de source d'eau potable pour près de 200 000 personnes, notamment les citoyens de Sherbrooke et de Magog. (...) S'il fallait que le site d'enfouissement de vidanges se mette à fuir, dans 30 ans d'ici par exemple, ça pourrait avoir des conséquences extrêmement graves sur la qualité de l'eau du lac Memphrémagog. J'invite tous les niveaux de gouvernement, ainsi que les responsables des municipalités avoisinantes à se mobiliser pour stopper ce projet. Il est grand temps de reconnaître à quel point nos lacs sont un bien précieux », a déclaré M. Paradis.