Ténor des souverainistes orthodoxes, Patrick Bourgeois estime que Pauline Marois s'est contentée d'ajouter de la «sauce moumoune» en diluant exagérément un véritable plan de match pour arriver à la souveraineté du Québec.

Promise dimanche par la chef péquiste, la guérilla systématique pour récupérer des compétences auprès d'Ottawa ne fera rien pour mobiliser les troupes, prédit l'éditeur du Québécois.

 

«J'avais appelé ça la sauce «moumoune» quand La Presse l'avait annoncé. On connaît aujourd'hui la recette: beaucoup de coquilles vides avec un soupçon de voeux pieux!» soutient M. Bourgeois. Le leader du Réseau de résistance du Québécois était, parmi les «purs et durs» souverainistes, de loin le plus réfractaire à la «gouvernance souverainiste» annoncée dimanche.

Pour lui il s'agit plutôt «d'un plan autonomiste à l'ADQ, avec une étiquette souverainiste pour faire plaisir aux militants péquistes». Il est clair, selon lui «qu'il n'est pas dans les priorités de Mme Marois de tenir un référendum sur la souveraineté». Avec son plan, «il n'y a pas de rapport de force, ça va être du quémandage et on va revenir la queue entre les jambes. Cela va démobiliser. C'est même pas clair qu'il y aurait des référendums sectoriels, pourquoi le fédéral plierait!» lance-t-il.

Selon M. Bourgeois, le PQ ferait mieux «d'opter pour les gestes de rupture pour foutre un beau bordel», cesser unilatéralement de payer à Ottawa la TPS qu'il perçoit pour le fédéral par exemple. Ce ne serait pas légal, «mais quand on fait un pays, on respecte pas toujours les lois de l'ennemi», poursuit-il, convaincu que les militants ne seront pas mobilisés par ce nouveau plan de match.

Bernard Landry, ancien chef péquiste, saluait une stratégie destinée à faire bouger les choses, mais demande plus de temps avant de faire des commentaires. «Amorcer une réflexion, comme c'était le cas pour la Saison des idées, ce n'est jamais mauvais» se contente-t-il de dire, pour l'instant. Mme Marois avait, avant de le divulguer, soumis son projet à tous les anciens leaders péquistes, de Jacques Parizeau à André Boisclair. Un seul «oublié», Pierre Marc Johnson.

Un président du Québec

Président du Conseil de la souveraineté, Gérald Larose salue une stratégie «qui nous sort de l'attentisme et de l'éternel débat référendiste... Fini le débat du Grand Soir, euphorique pour les uns, cataclysmique pour les autres. La souveraineté doit être le fruit d'une stratégie systématique de construction».

Pour lui la «gouvernance souverainiste» de Mme Marois doit s'appuyer sur «la reconnaissance», et un pas a été fait quand Ottawa a reconnu la nation québécoise. Avec cet acquis, le Québec, sans modifier l'ordre constitutionnel, peut créer une «Cour suprême québécoise» et même un «président de l'État québécois pour ranger au placard le lieutenant-gouverneur, le représentant de la reine. Ce «président» serait le chef politique de l'État québécois et il aurait à approuver les lois, suggère l'ex-président de la CSN. Il faut aussi, selon lui, «sortir le fédéral des platebandes du Québec» et réclamer des compétences, «et si cela ne marche pas on ira voir le peuple...».

Selon M. Larose, même si Mme Marois dit qu'elle n'a pas «pour objectif» de tenir des référendums sectoriels, «politiquement, si c'est nécessaire, il faudra en faire». Finalement, il faut «envoyer le monde réfléchir au Québec souverain» avec une nouvelle commission «Bélanger-Campeau», donne-t-il en exemple.

Robin Philpot, ex-candidat péquiste et associé aux orthodoxes du PQ, est «agréablement surpris que Mme Marois fasse un effort pour reprendre l'initiative qui nous a fait défaut depuis 1995». Son plan de match, «soulève des questions de compétences qui n'ont pas été réglées. On rompt avec l'attentisme, pour moi c'est bien».

Plus de concret...

Selon Mario Beaulieu, président de la Société Saint-Jean-Baptiste, le projet de Mme Marois va dans la bonne direction, mais reste incomplet. «Il faudra des revendications claires pour que les gens comprennent concrètement ce qu'on ne peut pas faire dans le fédéralisme.» Par exemple, Mme Marois devrait proposer clairement que le gouvernement ne communique qu'en français avec les entreprises. Aussi, elle devrait s'engager sans équivoque à ce que la loi 101 s'applique à l'admission au cégep. «Pour mobiliser, il faut plus que des concepts abstraits, il faut que les gens voient l'impact tangible», selon M. Beaulieu. «Il faut une campagne réelle pour la souveraineté. Pour sortir de l'attentisme comme le veut Mme Marois, cela prend une campagne avec du porte-à-porte et des rassemblements», a dit M. Beaulieu.

Selon Pierre Dubuc, du SPQ libre, Mme Marois a axé sa stratégie sur la récupération de pouvoirs, «ce qui n'exclut pas le recours à des référendums sectoriels». Cette stratégie «aux vertus éducatives certaines» doit, selon lui, être «complétée par l'engagement à tenir un référendum sur l'indépendance du Québec, un engagement que Mme Marois a pris», écrit M. Dubuc. Selon lui, le PQ doit aller plus loin, «mettre le peuple dans le coup» avec un référendum d'initiative populaire - un référendum s'enclencherait dès que 10% de la population se rendrait signer un registre à cette fin, une approche que désapprouvait dès dimanche Mme Marois, et qui avait été battue à plate couture par les militants péquistes en conseil national, en 2008.

Selon Marc Laviolette, aussi membre du SPQ libre, le plan de Mme Marois va «préparer le terrain à la tenue d'un référendum sur la souveraineté». Un gouvernement péquiste se fera rapidement dire non par Ottawa, notamment sur la mise en place d'une déclaration de revenus unique. «Penses-tu qu'Ottawa va être d'accord pour rapatrier au Québec le pouvoir de percevoir la totalité des impôts?» a-t-il lancé.

«Tant mieux si le Québec obtient plus de pouvoirs», mais cette stratégie fera la démonstration que «le Canada ne marche pas». «Je suis à l'aise avec cette stratégie de pédagogie», a-t-il dit. Convaincu qu'ainsi le PQ prouvera que la souveraineté est «la seule solution».