Le président de la Régie des alcools, des courses et des jeux (RACJ), Denis Racicot, refuse de nier que son organisme ait trafiqué un rapport de l'INRS avant de le déposer en Cour comme le faisait pourtant son porte-parole mardi. Il s'en remet aux enquêteurs nommés par Québec mercredi pour déterminer si ces allégations qu'il juge «très graves» sont exactes.

«Vous me demandez de conclure avant que l'enquête ait eu lieu. L'enquête va démontrer si le rapport a été tronqué ou pas. Pour le moment, on ne prend rien pour acquis», a affirmé à La Presse M. Racicot.Or le directeur des communications de la RACJ, Réjean Thériault, assurait mardi que l'organisme «n'a pas tronqué d'étude» et qu'il n'avait rien à se reprocher. Le président maintient-il cette version? «L'enquête va déterminer ça», s'est-il contenté de répondre.

La RACJ est dans l'embarras depuis que La Presse a révélé qu'elle aurait trafiqué un rapport de quatre chercheurs de l'INRS sur les appareils de loterie vidéo et le jeu compulsif, rapport qu'elle avait elle-même commandé. La moitié du document qui date de 2003 - les parties les plus critiques - a été supprimée sans l'accord des auteurs. L'automne dernier, la RACJ a déposé cette étude devant la Cour supérieure, qui entend le recours collectif de joueurs pathologiques contre Loto-Québec.

«Ces allégations sont très graves, et on n'a pas l'intention que ça flotte bien longtemps, a souligné Denis Racicot, qui préside la Régie depuis mai 2005. (...) S'il y a des choses pas correctes, des actions seront prises.»

Sans présumer des conclusions de l'enquête qu'il a déclenchée mardi, le ministre de la Sécurité publique, Jacques Dupuis, a indiqué que si les allégations s'avèrent, des accusations criminelles de parjure pourraient être déposées contre les personnes qui seraient tenues responsables à la RACJ.

Denis Racicot a indiqué qu'«il y a deux rapports, un plus long (de 114 pages) et un plus court (de 53 pages)» à la RACJ. Mais il a refusé de dire si tous deux avaient été transmis par l'INRS le 31 janvier 2003 comme le disait M. Thériault mardi.

La RACJ n'a déposé à la Cour que le rapport de 53 pages, le document trafiqué, selon le chercheur Yves Boisvert. Dans le recours collectif contre Loto-Québec, l'avocat des demandeurs, Jean-Paul Michaud, avait pourtant demandé à la Régie de fournir à la cour toutes les études sur les loteries vidéo et le jeu compulsif qu'elle a pu commander. Pourquoi la RACJ, qui reconnaît avoir deux documents entre les mains, n'en a-t-elle déposé qu'un seul à la cour? La réponse à cette question sera aussi apportée par les enquêteurs, a répondu Denis Racicot.

L'enquêteur indépendant Roger Chartrand, nommé par Québec, a rencontré M. Racicot en après-midi. «C'est une affaire importante. Je veux aller au fond des choses», a souligné l'ancien enquêteur de la Sûreté du Québec, aujourd'hui à la firme d'investigation Chartrand Fortin Labelle Solutions de Laval. L'autre enquêteur chargé de faire la lumière sur cette affaire, Gaston Landry, travaille au ministère de la Sécurité publique.

«Je n'ai pas fixé de deadline», a indiqué Jacques Dupuis. «Je veux que l'enquête se fasse avec toute la sérénité possible.»

En plus d'Yves Boisvert, deux autres chercheurs, Élisabeth Papineau et Yves Bélanger, ont confirmé à La Presse que l'étude de 53 pages déposée en cour par la RACJ est un document trafiqué, que le rapport dont ils sont les auteurs est celui de 114 pages rendu public par l'INRS en 2003.

Dans un témoignage sous serment devant la Cour supérieure en décembre dernier, Élisabeth Papineau s'est dite «profondément choquée» de l'atteinte aux droits d'auteur et «de l'amputation» de recommandations «sacrées». Dans la version tronquée du rapport de l'INRS, son nom a été enlevé.

Le rapport de 114 pages, intitulé «La responsabilité de l'État québécois en matière de jeu pathologique: la gestion des appareils de loterie vidéo», est inscrit à la Bibliothèque nationale du Québec et est donc reconnu comme un document officiel. L'étude de 53 pages, qui s'appelle «Rapport sur la gestion des appareils de loterie vidéo», ne se trouve pas dans le catalogue de la Bibliothèque nationale.