Le nombre de limousines passe de 18 à 26 dans le cabinet nommé hier par le premier ministre Charest. Autant de femmes que d'hommes, des ministres de presque toutes les régions. Montréal et ses villes de banlieue obtiennent la part du lion au Conseil des ministres, dont on dit qu'il sera obsédé par l'économie.

Le Conseil des ministres prend plus de poids que prévu. Jean Charest fait passer de 18 à 26 le nombre d'invités à la table de son cabinet. Presque tous les ministres conservent leur portefeuille, mais le nouveau cabinet est davantage axé sur l'économie avec l'arrivée de Pierre Arcand, Nicole Ménard et Robert Dutil, tous issus du monde des affaires.

«À mes yeux à moi, c'est très important que, dans le contexte où nous sommes, il y ait autant de gens autour de la table que possible pour passer la période que nous allons vivre», a expliqué Jean Charest en conférence de presse, après la prestation de serment de son nouveau cabinet, hier. Et même s'ils sont 26, les ministres «en auront plein les bras avec le contexte économique actuel», a-t-il assuré. On s'attendait plutôt à un cabinet de 24 ou 22 membres.

Le premier ministre n'a pas beaucoup joué à la chaise musicale avec son cabinet. Quatorze ministres restent au même poste. Personne n'est rétrogradé. Jean Charest maintient comme promis la parité hommes-femmes.

Des responsabilités partagées

Des ministres sont délestés de certaines responsabilités. C'est le cas de Michelle Courchesne qui demeure à l'Éducation mais cède la Famille au député de LaFontaine, Tony Tomassi, une nomination inattendue. Ce père de cinq enfants est l'un des 10 nouveaux visages du Conseil des ministres.

La Dame de fer du gouvernement, Monique Jérôme-Forget, reste aux commandes des Finances en cette période de turbulences économiques. Jean Charest lui retire toutefois la présidence du Conseil du Trésor pour la confier - autre surprise - à sa marraine politique, Monique Gagnon-Tremblay. Elle a occupé brièvement cette fonction sous Daniel Johnson en 1994. La députée de Saint-François était ministre des Relations internationales depuis 2003. Un nouveau venu, Pierre Arcand, hérite de ce poste fort convoité, normalement attribué à des ministres d'expérience. L'ancien président de Corus Québec Radio entend donner une mission plus économique à ce ministère.

Nicole Ménard, une autre vedette des élections de 2007 qui avait été boudée par Jean Charest jusqu'à présent, fait son entrée au cabinet. L'ancienne vice-présidente de la BMO Banque de Montréal atterrit au Tourisme. La tâche de Raymond Bachand est ainsi allégée. Il se concentre maintenant sur le Développement économique, l'Innovation et l'Exportation. Il demeure parrain de la métropole.

Député de Beauce-Sud, Robert Dutil, ministre sous Robert Bourassa, grossit les rangs de l'équipe économique. L'ancien vice-président et directeur général de Structural-ponts, filiale du Groupe Canam, devient titulaire du Revenu. Sa voisine de circonscription, Dominique Vien, de Bellechasse, entre au cabinet avec le portefeuille, modeste, des Services gouvernementaux.

Nouvelles fonctions

Outre Monique Gagnon-Tremblay, seul un autre ministre du précédent cabinet, Jacques Dupuis, hérite de nouvelles fonctions. Certes, le député de Saint-Laurent reste à la Sécurité publique. Mais il retrouve le poste de leader parlementaire qu'il avait perdu au profit de Jean-Marc Fournier, qui ne s'est pas présenté aux dernières élections. Il succède en plus à Benoît Pelletier, qui a lui aussi quitté la vie politique, aux Affaires intergouvernementales canadiennes.

Jean Charest renoue avec la tradition et confie à deux personnes distinctes la Sécurité publique et la Justice, des responsabilités que cumulait Jacques Dupuis. Une recrue, Kathleen Weil, est catapultée à la Justice.

Trois ministres délégués, donc sans portefeuille, viennent soulager la tâche de collègues. Serge Simard, le seul élu libéral au Saguenay-Lac-Saint-Jean, prête main-forte à Claude Béchard aux Ressources naturelles. Le vétéran Norman MacMillan, élu depuis 1989 dans Papineau en Outaouais, seconde Julie Boulet aux Transports. Le ministre de la Santé, Yves Bolduc, est épaulé par Lise Thériault aux Services sociaux. La députée d'Anjou retrouve ainsi une place au Conseil des ministres. Elle avait dû céder son poste de ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles à Yolande James en avril 2007. Mme James conserve ce poste.

Une tâche qui s'annonce ardue

Élu le 8 décembre après avoir été défait en 2007, Pierre Corbeil fait un retour au Conseil des ministres. L'ancien titulaire des Ressources naturelles devient responsable des Affaires autochtones. La tâche s'annonce ardue pour le député d'Abitibi-Est, puisque l'Assemblée des premières nations du Québec et du Labrador a condamné sa nomination hier.

Pierre Moreau, à qui l'on destinait un portefeuille, est nommé whip en chef, le préfet de discipline du gouvernement. Lawrence Bergman préside maintenant le caucus libéral. Il succède à Yvon Vallières, qui se dirige tout droit vers la présidence de l'Assemblée nationale.

Jean Charest n'a pas fait que des heureux. Présents au Salon rouge du Parlement, Geoffrey Kelley, qui espérait un retour au Conseil des ministres, et Alain Paquet, qui doit encore passer son tour, étaient visiblement déçus.

Les nouveaux visages

Pierre Arcand, Relations internationales et francophonie

Ancien président de Corus Québec Radio, Pierre Arcand entre au Conseil des ministres par la grande porte, après avoir passé son tour en 2007, faute de places au sein d'un cabinet minceur. Le député de Mont-Royal promet de faire des Relations internationales un ministère à saveur hautement économique. Une bonne partie du «nouvel espace économique», si cher à Jean Charest, se retrouvera ainsi entre ses mains, notamment l'entente sur la mobilité de la main-d'oeuvre avec la France et les négociations entourant l'accord de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne.

Kathleen Weil, Justice

La nouvelle recrue de Jean Charest, Kathleen Weil, qu'on avait davantage pressentie dans un ministère à caractère sociale, atterrit à la Justice. Présidente et directrice générale de la Fondation du Grand Montréal, un organisme caritatif, depuis 2000, Mme Weil est avocate de formation, diplômée de McGill. Parfaitement bilingue, elle a longuement travaillé à défendre les droits de la minorité anglophone au Québec, notamment au sein du défunt groupe de pression Alliance Québec, dont l'ancien président, Brent Tyler, conteste aujourd'hui en Cour suprême la loi 104, qui venait colmater une brèche de la loi 101.

Tony Tomassi, Famille

«C'est toute une surprise. Tu l'attends, tu ne l'attends pas. Quand le téléphone sonne, tu te demandes c'est quoi. C'est toute une expérience» Député de LaFontaine depuis 2003, Tony Tomassi est une des plus grandes surprises de ce Conseil des ministres, ayant eu jusqu'ici un rôle plutôt effacé au sein du gouvernement libéral. Père de cinq enfants âgés de 3 à 13 ans, M. Tomassi a une formation en sciences politiques. Il aura pour tâche principale de compléter le réseau des garderies, d'abord avec les 18 000 places promises par sa prédécesseur d'ici deux ans. Puis, en créant 15 000 nouvelles places supplémentaires, engagement pris par Jean Charest en campagne électorale.

Nicole Ménard, Tourisme

Issue du milieu des affaires, viceprésidente à la BMO Banque de Montréal pendant 12 ans, Nicole Ménard a travaillé depuis 2007, date de son élection dans Laporte, comme adjointe parlementaire du ministre du Développement économique, Raymond Bachand, en plus de siéger à la Commission parlementaire des finances publiques. Elle avait dû passer son tour en 2007, mais accède cette fois au cabinet, où elle devra faire la promotion de ce secteur économique qui représente beaucoup d'emplois au Québec. Elle devient aussi ministre responsable de la Montérégie.

Robert Dutil, Revenu

Grand retour en politique pour Robert Dutil, ministre sous Robert Bourassa à la fin des années 80 et au début des années 90. Gestionnaire et homme d'affaires, d'une famille bien connue en Beauce, M. Dutil a mené une véritable bataille dans les dernières années contre les politiques régionales du gouvernement de Jean Charest. Il était allé l'an dernier jusqu'à fonder un parti politique, l'Union du centre, pour dénoncer la «concurrence déloyale» dont est victime selon lui la Beauce, face aux régions ressources, comme la Gaspésie ou l'Abitibi, qui ont droit à une aide spéciale de l'État. Il hérite du ministère du Revenu.

D'autres nouveaux 

Pierre Corbeil, réélu dans Abitibi-Est après sa défaite de 2007, reprend sa place au cabinet, cette fois comme ministre responsable des Affaires autochtones.

Serge Simard, seul représentant libéral au SaguenayLac-Saint-Jean,

devient ministre délégué au Ressources naturelles, en renfort à Claude Béchard.

Dominique Vien, battue par l'ADQ dans Bellechasse en 2007, fait son entrée au cabinet comme ministre des Services gouvernementaux.

Lise Thériault fait un retour après avoir été écartée du Conseil des ministres en 2007; elle devient ministre déléguée à la Santé et aux Services sociaux.

Norman MacMillan: après 20 ans comme député libéral, accède enfin au cabinet ; il épaulera Julie Boulet comme ministre délégué aux Transports.

Pierre Moreau, qu'on pressentait à la tête d'un ministère, devient whip et jouera au préfet de discipline.