Reconnu pour être fort en gueule, le ministre des Transports, John Baird, a dû présenter ses excuses au maire de Toronto, David Miller, hier après avoir tenu des propos désobligeants à son endroit à l'occasion de la conférence annuelle de la Fédération canadienne des municipalités, qui a eu lieu à Whistler, en Colombie-Britannique.

M. Baird, responsable du programme national d'infrastructures doté d'un budget de quatre milliards de dollars, s'est emporté contre les élus de Toronto parce qu'ils n'ont soumis qu'un seul projet au gouvernement fédéral, soit le financement pour le renouvellement du parc de tramways de la ville. Toronto désire acheter 204 tramways qui seraient construits par Bombardier à son usine de Thunder Bay.

Ignorant qu'il se trouvait dans une salle réservée aux médias, à Whistler, M. Baird a affirmé, le week-end dernier, que Toronto était la seule ville canadienne à n'avoir pas respecté les critères du programme national d'infrastructure et que les dirigeants torontois osaient se plaindre qu'Ottawa tardait à financer leur demande.

«Deux mille sept cents personnes ont réussi. Pas eux. Ce n'est pas un partenariat, et ils râlent contre nous. Ils peuvent aller se faire foutre (They should fuck off, en anglais)», a affirmé M. Baird, qui a été entendu par une journaliste du Toronto Star.

Essentiellement, le ministre Baird rejette le projet de Toronto parce qu'il ne se concentre pas sur la création d'emplois dans la métropole. Mais le maire de Toronto, David Miller, tient mordicus à ce qu'Ottawa paie une partie de la facture de ce projet. Le contrat de 1,2 milliard de dollars a d'ailleurs déjà été accordé à Bombardier en avril, mais il sera annulé si Toronto n'obtient pas l'argent des gouvernements provincial et fédéral au plus tard le 27 juin.

Une autre gaffe des conservateurs

Le quotidien torontois a publié hier les propos controversés du ministre Baird en une. M. Baird devenait ainsi le deuxième ministre du gouvernement minoritaire conservateur de Stephen Harper à se retrouver dans l'embarras à cause d'une indiscrétion après la ministre des Ressources naturelles, Lisa Raitt.

À la Chambre des communes hier, le ministre Baird n'a pas hésité à présenter ses excuses après avoir été interpellé par les libéraux de Michael Ignatieff durant la période des questions.

«J'étais en proie à la frustration et je l'ai certainement exprimé. Ce matin, j'ai téléphoné au maire de Toronto pour m'excuser. Le maire et moi avons convenu de tourner la page et de continuer à bâtir sur les investissements que nous devons faire dans les transports en commun. Nous avons convenu de travailler de concert pour concrétiser tout cela au cours des prochaines semaines», a dit M. Baird.

Le NPD, qui a aussi soulevé cette question aux Communes, a dit apprécier les excuses du ministre des Transports.

La liste des ministres conservateurs qui mettent le gouvernement Harper dans l'embarras après avoir tenu des propos controversés continue donc de s'allonger.

L'an dernier, le ministre de l'Agriculture, Gerry Ritz, a été contraint de s'excuser après avoir fait des blagues de mauvais goût durant la crise de la listériose, qui a coûté la vie à au moins 17 personnes au pays. M. Ritz avait tenu ses propos lors d'une conférence téléphonique le 30 août, mais ils avaient été révélés uniquement durant la campagne électorale d'octobre.

Durant cette conférence téléphonique, M. Ritz avait affirmé que la crise de la listériose, «c'est comme mourir par tranches. Ou plutôt par tranches de viande froide (cold cuts).» L'usine de viandes froides Maple Leaf de la région de Toronto avait été identifiée comme la source de cette contamination.

Le ministre des Finances, Jim Flaherty, a pour sa part déjà affirmé, en 2007, que l'Ontario était la dernière province où les entreprises devaient investir à cause des taxes élevées imposées aux sociétés. Ses propos avaient fait des vagues en Ontario.

Le ministre de la Sécurité publique, Peter Van Loan, s'est lui aussi attiré les foudres des libéraux après avoir décrit le premier ministre de l'Ontario, Dalton McGuinty, comme «le petit homme de la confédération». M. Van Loan était leader du gouvernement en Chambre à l'époque où il a tenu ces propos en 2007.