Le Canada ne se laissera pas «intimider» par les prétentions de la Russie dans l'Arctique, a prévenu hier le ministre des Affaires étrangères, Lawrence Cannon. Il a toutefois tendu la main aux pays qui bordent cette région convoitée, après que le gouvernement russe eut affirmé son intention d'y déployer des troupes.

blank_page«Parmi les piliers qui assurent le fondement de notre politique, il y a la question de la souveraineté, a déclaré le ministre en marge d'un discours au Conseil des relations internationales de Montréal. Et là-dessus, nous sommes intraitables à l'égard de nos alliés, mais aussi des autres pays qui auraient des velléités là-dessus.» La sortie du ministre est survenue peu après que le gouvernement russe eut dévoilé son intention de déployer des unités de l'armée et du service fédéral de sécurité (FSB, ex-KGB) pour faire valoir ses intérêts dans l'Arctique.

La décision avait reçu l'aval du président Dimitri Medvedev en septembre dernier. Mais elle n'a été publiée que très récemment sur le site internet du Conseil de sécurité russe.

«Ce n'est pas vrai que le Canada sera affaibli dans sa position parce que les Russes ont décidé qu'ils allaient faire valoir une opinion aujourd'hui, a déclaré Lawrence Cannon, informé de l'initiative russe. Notre position est ferme.»

La mainmise sur la vaste région fait l'objet d'un branle-bas diplomatique entre le Canada, la Russie et plusieurs pays nordiques. On estime que la région pourrait receler le quart des réserves non découvertes de gaz et de pétrole. La fonte des glaces y ouvre également de nouvelles voies de navigation.

Diplomatie

Le gouvernement conservateur a lancé une vaste offensive diplomatique, au début de l'année, pour défendre la souveraineté canadienne dans le Grand Nord. Le ministre Cannon souhaite rencontrer les dirigeants des sept autres pays membres du Conseil de l'Arctique, soit les États-Unis, la Russie, le Danemark, la Finlande, la Norvège et la Suède.

Dans son discours, le ministre a d'ailleurs réitéré son désir de donner «un nouveau souffle» à cet organisme international. Il a également fait valoir que la Russie et le Canada collaborent depuis des années dans l'Arctique dans les domaines de l'environnement et de la recherche.

Le ministre souhaite collaborer de manière plus étroite avec la Russie. Il entend aborder la question lorsqu'il rencontrera son vis-à-vis russe, Serguei Lavrov, la semaine prochaine, dans une réunion du G20 à Londres.

«Il n'en demeure pas moins qu'il peut y avoir, ici et là, des soubresauts, a-t-il concédé. Mais je pense que, fondamentalement, la géopolitique fait de nous des voisins. Nous avons la responsabilité commune de bien gérer cette partie de la planète, et c'est ce que j'entends faire.»

Cette main tendue aux pays qui bordent l'Arctique constitue un virage important dans la politique canadienne, estime Joël Plouffe, chercheur à l'Observatoire sur les États-Unis de la chaire Raoul-Dandurand de l'UQAM.

«Le Canada reconnaît qu'il ne peut pas agir tout seul dans le Grand Nord, qu'il y a des voisins qui émergent de la banquise, a-t-il souligné après avoir entendu le discours de Lawrence Cannon. C'est très intéressant de voir que le Canada cherche à travailler avec eux, c'est la seule stratégie qu'il peut avoir.»

L'activité militaire de la Russie dans la région sème l'inquiétude à Ottawa depuis plusieurs mois. Le Canada a dû envoyer des chasseurs, le mois dernier, lorsque deux avions militaires russes ont frôlé son espace aérien. Ce coup de force est survenu quelques heures avant la visite de Barack Obama.

En septembre dernier, le Conseil de sécurité russe s'est réuni dans une base située dans l'archipel François-Joseph, au beau milieu de l'océan Arctique. La Russie a aussi soulevé un tollé à Ottawa, en 2007, lorsqu'elle a planté un drapeau au fond de l'océan.