À deux reprises, l'ancien chef du Parti québécois (PQ), Jean-François Lisée, a proposé à Véronique Hivon de prendre sa place parce qu'il jugeait qu'il « tirait le PQ vers le bas », révèle-t-il dans un long texte publié vendredi sur le site du magazine L'Actualité.

« Je crois que tu dois te préparer à devenir chef du Parti québécois », a-t-il glissé en décembre 2017 à la députée de Joliette et ancienne vice-chef du parti, selon le récit de l'ancien chef péquiste, qui revient sur la campagne électorale qui a mené aux pires résultats électoraux dans l'histoire du PQ.

À l'époque, l'option est écartée, car le chef voulait éviter à tout prix une course à la direction. Véronique Hivon est finalement devenue vice-chef du PQ en janvier 2018.

Les discussions sur cette éventualité n'étaient pas pour autant closes. À la fin du mois de juin, M. Lisée a une fois de plus demandé à Mme Hivon de prendre les rênes du parti.

La vice-chef a finalement refusé une deuxième fois.

En point de presse, vendredi, Mme Hivon a tenu à donner son point de vue sur les événements, affirmant que les deux propositions de son ancien chef « ne tenaient juste pas la route ».

En décembre, elle jugeait que le plan de son chef faisait fi des règles démocratiques et d'un facteur important : le fait qu'Alexandre Cloutier avait terminé deuxième à la dernière course à la direction du parti.

« Il jugeait qu'il devait y avoir un couronnement, que je devais être couronnée [...] Je n'étais évidemment pas du tout d'accord avec le plan. Je jugeais qu'Alexandre Cloutier devait être impliqué dans les décisions », a-t-elle soutenu.

Et en juin, c'était tout simplement inconcevable pour elle de se lancer.

« Je serais partie (en campagne), moi, comme chef en étant chef intérimaire, donc en ayant aucune légitimité dans ce moment démocratique si important », a-t-elle souligné.

Elle y a également renoncé pour ne pas contribuer au cynisme de la population, a-t-elle dit.

« Je trouvais qu'il y avait une petite part de cynisme là-dedans, de dire on va changer la tête du chef à une semaine du déclenchement des élections. On va faire un grand pari, un grand jeu et ça va donner des résultats différents. Comme si un chef, c'était juste une image. »

Difficultés du PQ

Dans son long récit, M. Lisée revient également sur les mois qui ont précédé les élections, et sur la campagne électorale elle-même. Selon lui, deux facteurs ont contribué à nuire au PQ quelques mois avant le scrutin : la crise au Bloc québécois et les discussions incessantes sur la mort éventuelle du parti.

« La volonté d'une grande partie de l'électorat d'éviter la répétition d'un processus référendaire se traduit par une réticence à voter PQ, ce qui est compréhensible. Mais elle génère dans les médias, je le crois vraiment, le narratif incessant, injuste et malsain du décès annoncé du PQ et de son option », écrit-il.

La déconfiture des libéraux et la victoire importante de la Coalition avenir Québec (CAQ) dans Louis-Hébert ont aussi contribué au résultat du 2 octobre, selon lui.

« La victoire de la CAQ fut écrasante. Jusque-là, l'électorat pensait que les libéraux étaient indélogeables. Avec Louis-Hébert, il apprenait trois choses : les libéraux peuvent être battus ; c'est la CAQ qui peut les battre ; le PQ n'est plus dans la course. »

Campagne péquiste

Quant à la campagne électorale, M. Lisée persiste et signe : une victoire n'était pas impossible pour le PQ, selon lui. Il mentionne la campagne fédérale de 2015, lorsque les libéraux étaient partis troisièmes dans les sondages, avant de se faire élire.

Dans son texte, l'ex-chef défend une fois de plus sa stratégie de s'attaquer à Québec solidaire en fin de campagne. Pendant le débat des chefs de TVA, M. Lisée avait interpellé la co-porte-parole de Québec solidaire, Manon Massé, pour lui demander qui était le vrai chef de son parti.

Cette tactique n'avait apparemment pas plu à tout le monde au parti ; à l'époque, M. Lisée avait laissé entendre que sa vice-chef, Véronique Hivon, n'était pas d'accord.

Dans son texte, M. Lisée révèle même que dans ce cas précis, il n'avait pas consulté son entourage avant de se lancer. Seule sa conjointe était au courant.

« Je ne dis pas que ces journées ont été faciles. Je ne dis pas que j'étais complètement certain d'avoir raison ou que j'étais convaincu que ça marcherait. Du terrain, on recevait des indications contradictoires sur les réactions des électeurs », soutient-il.

« Mais que disaient les indicateurs ? Dans les premiers jours suivant le débat, la progression de QS décélère. Le lundi 24 septembre, quatre jours après le débat, la montée de QS est bloquée... à quelques décimales de franchir la ligne du PQ. Puis, QS se met à baisser assez fortement. Ça a marché. »

Il reconnaît cependant avoir « rompu le charme » que le PQ avait créé autour de sa campagne.

En rétrospective, M. Lisée semble être fier du travail accompli malgré tout.

« Depuis des années, je répète à mes enfants : "L'important, au fond, ce n'est pas d'échouer ou de réussir. L'important est d'avoir donné le meilleur de soi-même pendant la tâche, d'avoir grandi, d'avoir appris, de s'être dépassé. " Parfois, cela mène à la victoire. Sinon, cela mène à la satisfaction du devoir accompli. Ce n'est pas aussi bien. Mais ce n'est pas si mal. »