Partie de bras de fer derrière des portes closes. Le ministre délégué à la Transformation numérique, Éric Caire, a appris à la dure qu'un ministre délégué n'a pas de pouvoirs. Son ambitieux projet de rapatriement de tous les contrats d'informatique sous l'égide d'un nouveau Centre d'excellence en technologie de l'information s'est heurté au veto du président du Conseil du trésor, Christian Dubé.

Selon les informations réunies par La Presse, Christian Dubé n'a pas mis de gants blancs pour couper court au projet de son ministre délégué. Pour lui, pas question d'abolir le Centre de services partagés du Québec (CSPQ) qui devait, dans le plan d'Éric Caire, être fusionné avec le Dirigeant principal de l'information (DPI). L'opération devait faire économiser 100 millions par année au gouvernement, selon les engagements annoncés par la Coalition avenir Québec (CAQ) avant les dernières élections.

L'attachée de presse du ministre Christian Dubé, Myrian Marotte, y est allée de commentaires bien laconiques : un document est en préparation, son contenu est secret et les deux ministres travaillent main dans la main.

Même si le responsable de l'informatique au gouvernement, Benoit Boivin, poussait fort pour la réalisation de ce projet, il est apparu rapidement que les responsabilités du CSPQ débordaient largement les questions informatiques - on y traite de la paye et des achats. Il aurait aussi été contre-productif de confier à un nouvel organisme toutes les responsabilités en informatique, alors que ces opérations fonctionnent sans problèmes, par exemple à l'Agence du revenu du Québec de même qu'à la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST).

Cette semaine, un nouveau projet de loi « favorisant le virage numérique de l'administration publique » a été inséré dans la machine gouvernementale, dans l'antichambre des comités ministériels, eux-mêmes passages obligés à une décision du Conseil des ministres. Il est parrainé par MM. Dubé et Caire.

Les clivages entre les ministres sont fréquents. Il est plus rare qu'ils apparaissent en public. Avant les Fêtes, le Conseil des ministres s'était partagé en deux camps, les « économiques » et les « environnementalistes », sur la question d'un projet d'usine d'urée - un ingrédient pour les engrais chimiques - à Bécancour.

Dans la machine, on accueille froidement les projets du ministre Éric Caire, qui doit travailler désormais avec le CSPQ. Or, dans un passé récent, il était sans pitié pour cet organisme qui « nous fait honte collectivement depuis plus de 10 ans pour son incompétence crasse, son incapacité à livrer la marchandise ». 

Pour lui, le CSPQ était un « cancre », une « véritable farce », une boîte « sclérosée ». Ce genre de sortie n'a pas l'heur de plaire au cabinet de François Legault. Se mettre à dos les fonctionnaires avec qui on aura à travailler n'est pas la meilleure des stratégies, a confié un conseiller influent du gouvernement Legault.

Le projet de M. Caire n'était pas sans rappeler celui des gouvernements libéraux de Jean Charest et de Philippe Couillard dans le champ des communications gouvernementales. Tout - les budgets, les employés et le choix, névralgique, des directeurs dans les ministères - avait été regroupé sous l'égide du Conseil exécutif, l'équivalent du ministère du premier ministre. De la même manière, tous les avocats du gouvernement dans les ministères relèvent dans les faits du ministère de la Justice.

À moins que le ministre délégué soit à l'évidence un politicien néophyte, la cohabitation entre un ministre de tutelle et un ministre junior est souvent source de frictions. Ce dernier n'a pas de pouvoir de signature, ne peut engager de dépenses du gouvernement. Les nouveaux politiciens qui obtiennent ces postes y font leurs classes. Ceux qui ont de l'expérience rongent rapidement leur frein.

Plus tôt en février, MM. Dubé et Caire avaient annoncé conjointement le regroupement des centres de traitement informatique par l'entremise de « l'infonuagique » publique.