Le gouvernement de François Legault commence à ressembler à celui de Stephen Harper, ont dénoncé les partis de l'opposition, jeudi, après que les ministres de la Coalition avenir Québec eurent évité la presse parlementaire à l'Assemblée nationale.

Des représentants du Parti libéral, du Parti québécois, de Québec solidaire et le député indépendant Guy Ouellette ont tenu une conférence de presse aux côtés du Syndicat des professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ). Ils ont dénoncé le traitement réservé au lanceur d'alerte Louis Robert, cet agronome congédié du ministère de l'Agriculture pour avoir dénoncé l'ingérence du privé dans la recherche publique sur les pesticides.

La sortie est survenue quelques heures après que la Tribune de la presse de l'Assemblée nationale, qui représente la presse parlementaire, eut dénoncé une tentative de contrôle du message par le gouvernement Legault.

Pour l'opposition, il y a un parallèle clair entre les deux incidents.

«Sur la façon de fonctionner, ça me rappelle un gouvernement que j'ai déjà couvert à Ottawa, c'est-à-dire le gouvernement Harper, a dénoncé le député solidaire Vincent Marissal. Il y a visiblement une communauté d'esprit de plus en plus évidente dans la façon de gouverner et dans la façon de se comporter entre M. Harper et M. Legault.»

Jeudi matin, moins d'une demi-douzaine de députés caquistes sur 75 ont traversé la salle où les médias sont autorisés à les interviewer pour se rendre à la réunion de leur caucus. Les autres ont utilisé une porte située à l'autre bout de la salle, à laquelle les médias n'ont pas accès.

Cette pratique rompt avec celle des précédents gouvernements libéral et péquiste, sous lesquels les élus défilaient quotidiennement devant les journalistes et pouvaient donc être questionnés sur les sujets du jour.

La présidente de la Tribune de la presse, Véronique Prince, a dénoncé « cet évitement des médias».

Les partis de l'opposition aussi.

«La CAQ ne se présente pas devant vous en dehors du Salon bleu, ne répond pas aux questions, sait très bien que ce sont des sujets brûlants d'actualité et au bout de la ligne, elle va tout faire pour éviter d'en débattre et espérer que quelque chose d'autre va prendre le dessus de l'espace public», a dénoncé le député du Parti libéral, Gaétan Barrette.

Le premier ministre François Legault a assuré jeudi matin que ses ministres sont disponibles pour expliquer les positions de son gouvernement aux médias.

«Si vous voulez rencontrer un de nos ministres, vous avez juste à le demander et ils vont être disponibles», a-t-il assuré.

Son entourage a fait valoir que M. Legault rencontre régulièrement la presse. Il était d'ailleurs en conférence de presse aux côtés du ministre Jean-François Roberge en après-midi.

Congédiement

Il y a deux semaines, le ministre de l'Agriculture André Lamontagne a affirmé avoir personnellement autorisé le congédiement de Louis Robert. Il a ensuite fait volte-face et juré n'avoir eu aucun rôle à jouer.  Il a demandé - et obtenu - une intervention de la Protectrice du citoyen pour confirmer cette nouvelle version des faits.

M. Lamontagne n'était «pas disponible» pour réagir à la conférence de presse de l'opposition, a-t-on indiqué dans son entourage. Il n'a pas répondu aux questions de la presse parlementaire depuis deux semaines.

Pour la députée libérale Marie Montpetit, il est clair que M. Lamontagne cherche à se défiler.

«Près d'une quarantaine de questions ont été posées au ministre de l'Agriculture et au premier ministre, aucune réponse au Salon bleu, a-t-elle dit. Le ministre de l'Agriculture lundi n'était pas présent pour vous répondre sur le dénigrement qu'il a fait auprès des fonctionnaires également. Donc, est-ce qu'on est surpris aujourd'hui qu'il se cache, qu'il passe par la porte en arrière pour ne pas vous répondre? Non.»

Le député du Parti québécois, Sylvain Roy, souhaite qu'une commission parlementaire se penche sur l'utilisation des pesticides dans l'agriculture québécoise. Il se dit insatisfait des explications du ministre Lamontagne.

«J'ai posé la question au ministre ce matin, et il m'a parlé du sexe des anges et du poids de l'âme, a ironisé M. Roy. Donc, il a contourné complètement la question.»