La nouvelle ministre de la Condition féminine, Isabelle Charest, persiste, signe et en rajoute. Elle a maintenu mercredi que le voile musulman est un symbole d'oppression de la femme et elle porte le même jugement sur l'ensemble des signes religieux.

À peine nommée, Mme Charest a provoqué une vive controverse mardi lorsqu'elle a pourfendu le hijab. Elle considère que le port de ce vêtement ne correspond pas à ses valeurs et que ce n'est pas une façon pour une femme de s'épanouir.

Mercredi, la nouvelle ministre a pleinement assumé ses propos. Elle a toutefois dit respecter la décision des femmes qui choisissent de porter le voile.

Elle a également élargi sa critique formulée la veille. Selon elle, tout vêtement qui est imposé par une croyance religieuse constitue une forme d'oppression, y compris la kippa juive.

«Quand on dicte le port d'un vêtement ou de quelque chose, pour moi, ce n'est pas une liberté de choix, a dit Mme Charest. Pour moi, c'est un signe d'oppression.»

Le gouvernement Legault présentera pendant la session un projet de loi très attendu sur la laïcité de l'État. Il s'est engagé à interdire le port de symboles religieux aux fonctionnaires avec un pouvoir de coercition comme les policiers, les juges et les agents correctionnels. Il compte élargir cette interdiction aux enseignants.

Le premier ministre s'est bien gardé de sermonner sa nouvelle ministre de la Condition féminine.

«Je ne commencerai pas à empêcher mes ministres d'exprimer des opinions personnelles», a-t-il dit.

Des propos maladroits, juge l'opposition

Les propos de la ministre Charest sur le port du hijab ont été jugés maladroits mercredi par les partis d'opposition à l'Assemblée nationale.

«Ce qu'on a besoin actuellement au Québec [...] c'est de la tolérance et de la sérénité. [...] Pour nous, la question [du port du voile] est claire. On est pour la liberté de choix», a déclaré le chef par intérim du Parti libéral, Pierre Arcand.  

«Je trouve que, comme ministre responsable de la condition féminine, c'est très maladroit de venir porter un jugement. [...] Ce que je sais des conversations que j'ai eues avec des femmes qui portent le hijab, [c'est que c'est] leur choix», a ajouté sa collègue Kathleen Weil.  

«Ce sont des propos maladroits. Je pense qu'on s'attend d'une ministre de la condition féminine [...] qu'elle cherche à créer des consensus et à rassembler. [...] Il y a des milliers de femmes qui sont forcées de porter [le hijab] et, dans ce cas, bien sûr que c'est un signe d'oppression. [Mais] il y a des femmes qui le portent volontairement et, à ce moment-là, ce n'est pas à la ministre de la Condition féminine de leur dire quoi faire et quoi porter», a pour sa part dit Gabriel Nadeau-Dubois, leader parlementaire de Québec solidaire.

Ottawa rejette les propos d'Isabelle Charest

Les propos controversés d'Isabelle Charest ont eu des échos jusqu'à Ottawa où plusieurs ministres ont rejeté ses commentaires.

«Je ne suis certainement pas d'accord avec cette affirmation-là [qu'il pourrait s'agir d'une forme d'oppression pour les femmes]», a réagi le ministre fédéral des Transports, Marc Garneau à l'issue de la réunion du caucus libéral. «Nous sommes dans un pays qui respecte les religions et on ne dit pas aux gens comment s'habiller», a-t-il ajouté brièvement.

Interrogée sur l'affaire, la ministre fédérale du Développement international, Marie-Claude Bibeau a également indiqué ne «pas [se] rallier à une affirmation comme» celle tenue par la ministre Charest, ajoutant qu'elle peut comprendre qu'il y a «certaines Québécoises qui perçoivent ça comme un signe [d'oppression]».

«Au contraire, ce qui est important pour moi, c'est que les femmes aient le droit de choisir et qu'on leur donne ici au Québec, au Canada, la possibilité et les opportunités de s'épanouir, et de vivre dans une société qui est ouverte et inclusive», a-t-elle soutenu, précisant aussi que Mme Charest «vient d'arriver en poste».

«On va lui donner le temps d'évaluer toutes les situations», a lancé Mme Bibeau.