Battu dans Châteauguay aux élections générales du 1er octobre, Pierre Moreau n'a pas l'intention de préparer une éventuelle course à la direction du Parti libéral du Québec (PLQ). Le parti est mûr pour un « changement générationnel, il doit se rebâtir après avoir subi un coup important » au dernier scrutin.

Pour Pierre Moreau, il est « important que le prochain chef puisse incarner cette génération montante, celle des 30-40 ans ».

L'ancien ministre - il aura occupé plus de six portefeuilles - croit qu'à 61 ans, il peut « encore donner de fiers conseils » en tant que militant. Le premier? « Ne pas se précipiter dans une course à la direction du parti. » La prochaine course pourrait bien ne débuter que dans deux ans, pour qu'un chef soit choisi dans la troisième année du mandat, en 2021, suggère-t-il dans une entrevue accordée à La Presse.

Un tel délai serait salutaire, dit-il. 

« Une course, ça divise. Rien ne sert de créer quatre ou cinq clans, cinq factions, ce n'est pas le temps de diviser les militants. »

À la suite de la course qui avait mené Philippe Couillard aux commandes du parti, s'il affirme que les candidats s'étaient ralliés, il admet toutefois que dans les entourages de chacun, les ponts n'avaient pas été reconstruits.

« Écart » entre la base et les élus

Il constate qu'aux dernières élections, la cohésion n'existait pas entre les militants et l'aile parlementaire, qu'il y avait « un écart » entre la base et les élus. Conséquence, aux élections, « bien des militants n'ont pas voté pour le Parti libéral ». Pas question pour lui, toutefois, de montrer du doigt un responsable; il ne veut pas accuser Philippe Couillard d'avoir négligé la vie interne du parti.

Il ne s'était pas fait entendre beaucoup depuis la défaite cuisante du 1er octobre. Chez les observateurs, beaucoup avaient compris qu'il aurait pu tenter sa chance si le gouvernement Legault avait été minoritaire. 

Avec un scrutin dans quatre ans seulement, l'heure de Pierre Moreau est passée. Il n'entend pas être candidat aux élections fédérales de 2019 et compte sous peu annoncer qu'il retourne dans un cabinet d'avocats.

Il aimerait aussi beaucoup enseigner, fort d'une expérience de 15 ans dans la vie publique. Élu en 2003 dans Marguerite-d'Youville, il avait été défait en 2007, puis réélu dans Châteauguay en 2008. Candidat à la succession de Jean Charest en 2013, il avait terminé deuxième derrière Philippe Couillard, devançant à la surprise générale l'ex-ministre des Finances Raymond Bachand.

L'importance des régions

Il constate avec inquiétude que l'appui au PLQ dans les régions « s'est rétréci comme peau de chagrin ». Les libéraux n'ont plus de circonscription à l'est de Montréal, hormis Jean-Talon, représentée par Sébastien Proulx. Même vers l'ouest, leurs appuis dans l'Outaouais, un château fort habituellement, sont désormais clairsemés. « Il y a des comtés où il n'y a plus d'organisation [libérale] », relève-t-il. Dans 34 circonscriptions, le PLQ n'a même pas eu les 15 % de suffrages nécessaires pour obtenir le remboursement de 50 % des dépenses électorales.

Pour lui, toutefois, cela ne signifie pas que le nouveau chef ne peut venir de Montréal. 

« L'important est qu'il [le nouveau chef] soit en contact avec les régions, qu'il comprenne leur réalité, son origine géographique n'est pas un enjeu. Il faut que les régions puissent s'identifier au chef. » 

Claude Ryan, chef de 1978 à 1981, l'avait compris, et bien rappelé dans sa plaquette sur les valeurs libérales, insiste Moreau.

Un tel délai pour choisir un chef ne suppose pas que le parti attende un nouveau leader pour travailler à son programme, selon lui. Les balises posées par les militants serviront d'ordre de marche, « le devis pour choisir le prochain chef ».

Il a aussi annoncé la nouvelle sur son compte Twitter.

« Les résultats de l'élection du 1er octobre ont été pour moi l'occasion de faire le point sur ma carrière politique. Aujourd'hui, j'annonce que je me retire de la vie politique active, et que je ne solliciterai pas votre appui en vue de la prochaine course à la direction du #PLQ », a-t-il écrit.

Toujours sur Twitter, il a remercié les membres de sa famille et les électeurs des circonscriptions de Marguerite-D'Youville et de Châteauguay. Il a aussi tenu à exprimer sa « gratitude » aux premiers ministres Jean Charest et Philippe Couillard qui lui « ont tous deux confié de grandes responsabilités au sein de leurs gouvernements, et qui [lui] ont permis de servir mes concitoyens avec honneur, passion et intégrité ».

M. Moreau avait relativement bien fait lors de la course à la direction précédente, terminant au deuxième rang derrière celui qui avait été élu, Philippe Couillard. Toutefois, à la surprise générale, M. Moreau a été défait dans sa circonscription de Châteauguay lors des dernières élections québécoises du 1er octobre.

En entrevue à Radio-Canada, il a dit qu'il est « beaucoup plus sage de fermer la porte à la course au leadership ». Selon lui, le prochain chef devra « incarner [la] génération montante », celle des 30-40 ans.

Même s'il ne sera pas candidat, il n'a pas l'intention d'abandonner la politique pour autant.

« Je demeure un libéral convaincu, un militant engagé. Il est clair que je ferai valoir mes idées », a-t-il souligné.

Et première idée, il recommande à son parti de se montrer patient. Déclencher maintenant ou dans un trop proche avenir une course à la direction serait prématuré.

« Ce n'est pas le temps de diviser un parti qui vient d'être sonné par un résultat électoral et de l'écarteler en cinq factions qui vont se disputer le pouvoir pour le leadership », a-t-il fait valoir.

Le PLQ n'a plus de chef depuis la démission de Philippe Couillard. Celui-ci a annoncé son départ dès la soirée électorale après avoir vu sa formation subir l'une des pires raclées de son histoire, ne faisant élire que 31 députés et n'amassant que 24,8 % des suffrages exprimés.

Le député de Mont-Royal-Outremont et ancien ministre Pierre Arcand assure l'intérim en attendant la prochaine course à la direction.

Une ancienne collègue du conseil des ministres, Christine St-Pierre l'a salué en écrivant sur son compte Twitter : « Ce fut un plaisir de te connaître. Bonne chance pour la suite des choses ».