Les membres de Québec solidaire ont tenté de cacher leurs désaccords sur la laïcité, dimanche, lorsqu'ils ont expulsé les médias d'une discussion consacrée à ce sujet.

Les militants du parti étaient réunis en conseil national à Montréal pour faire le bilan de la campagne électorale et pour lancer une campagne politique sur les changements climatiques. Ils ont également jeté les bases d'un débat sensible sur l'interdiction des signes religieux dans la fonction publique.

Avant même que les échanges commencent, les membres ont voté en faveur d'une proposition pour tenir la séance à huis clos. Les médias ont donc dû quitter la salle sur-le-champ.

Il arrive souvent que des partis politiques tiennent des ateliers ou des débats à huis clos pendant des rassemblements. Mais l'expulsion, séance tenante, des journalistes d'une plénière à laquelle ils avaient été invités est un événement rarissime.

Les partisans de la proposition ont dit vouloir préserver l'image d'unité de Québec solidaire.

« À la différence d'autres partis, pour ne pas les nommer, on n'a pas l'étiquette d'un parti divisé, d'un parti qui fait des chicanes, a argué l'ancien candidat dans Iberville, Philippe Jetten-Vigeant. On a plutôt l'image d'un parti qui établit des consensus en assemblée et, ensuite, qui se tient à ses consensus et qui permet d'avoir un message plus clair. »

Tous n'étaient pas d'accord avec lui. Stéphane Morin, militant de la circonscription de Gouin, s'est opposé à l'initiative.

« Je ne veux pas donner de la marge de manoeuvre aux médias en disant que, encore une fois, le politburo, etc., a-t-il résumé. Je ne veux pas que Québec solidaire ait l'air d'un parti qui débat en vase clos pour ce sujet très important. »

En mars, les membres de QS seront appelés à redéfinir la position du parti sur la laïcité. Depuis plusieurs années, l'aile parlementaire défend le compromis proposé par la commission Bouchard-Taylor, soit d'interdire des signes religieux aux policiers, juges et gardiens de prison.

Un membre du comité de coordination nationale a présenté dimanche matin un document de réflexion qui résume l'évolution de la position de QS sur la question. C'est de cette présentation que les journalistes ont été expulsés.

Les leaders du parti ont dit pas être d'accord avec l'expulsion des journalistes de la plénière. Mais ils ont dit comprendre le sentiment des membres.

« Il y a des gens qui souhaitent discuter sans que leurs propos de ramassent à la une des bulletins de nouvelles, a résumé le co-porte-parole, Gabriel Nadeau-Dubois. Je ne suis pas nécessairement d'accord, mais il faut respecter la décision. »

Après l'échec de l'alliance stratégique entre Québec solidaire et le Parti québécois, le chef péquiste Jean-François Lisée avait affirmé que le parti de gauche est dirigé par un « politburo ». Il a rappliqué à maintes reprises en campagne électorale, dénonçant le courant « marxiste » et « sectaire » du parti.

L'épisode d'hier va-t-il donner des munitions à ses adversaires ? Manon Massé ne le croit pas.

« Ça témoigne que c'est des sujets qui sont sensibles et que les gens veulent se sentir à l'aise de pouvoir en parler », a-t-elle affirmé.

Samedi, cet enjeu explosif a fait apparaître des lignes de fractures très claires dans les rangs solidaires. Les tenants d'une laïcité plus fermes et les « inclusifs » ont chacun établi des kiosques et distribué des tracts aux membres. Certains ont reconnu que le débat qui s'amorce pourrait être « très déchirant ».