Le gouvernement Legault a reconnu, hier, que les données personnelles que les partis politiques compilent sur des millions de Québécois sont vulnérables au piratage. Il promet de donner suite à une recommandation pressante du Directeur général des élections (DGEQ) pour encadrer cette pratique.

Dans son rapport annuel, Pierre Reid presse les parlementaires de légiférer pour resserrer la manière dont les formations politiques utilisent les renseignements sur les électeurs. Il évoque le risque que leurs banques de données soient piratées, exposant les données de millions de personnes.

La ministre Sonia LeBel, qui est responsable du Secrétariat à l'accès à l'information et à la réforme des institutions démocratiques, a promis de donner suite rapidement au rapport.

« On est tout à fait conscients que les partis politiques ne sont pas à l'abri des cyberattaques », a convenu la ministre à son arrivée à l'Assemblée nationale.

« Ces données personnelles doivent être protégées, a-t-elle ajouté. Je pense que les citoyens doivent comprendre et avoir confiance que leurs données ne circulent pas de façon indue. »

Solution encore à déterminer

Mme LeBel affirme qu'il est trop tôt pour savoir si elle va changer la loi, comme le réclame le DGEQ, ou si Québec demandera aux partis de se doter d'un code d'éthique, la solution privilégiée par le gouvernement fédéral.

Les partis de l'opposition se sont également dits ouverts à donner suite aux recommandations de Me Reid.

Au printemps, dans les semaines qui ont suivi l'éclosion du scandale Facebook-Cambridge Analytica, le gouvernement du Parti libéral a présenté un projet de loi qui aurait donné les pouvoirs d'enquête spéciaux que le DGEQ réclamait pour se pencher sur la collecte de données des partis au Québec. L'initiative est morte au feuilleton, faute de consensus à l'Assemblée nationale.

« Malheureusement, bien que tous les partis se soient publiquement exprimés en faveur, ils ont refusé de consentir à son adoption, ce que nous déplorons », a rappelé le leader parlementaire libéral Sébastien Proulx, hier.

Rassurer les électeurs

La députée du Parti québécois Véronique Hivon ne s'est pas avancée quant à savoir s'il faut légiférer ou imposer un code d'éthique aux partis politiques, comme l'envisage le gouvernement fédéral. Ce qui importe, dit-elle, c'est de rassurer les électeurs.

« Le plus important, là-dedans, c'est la confiance des gens, c'est la confiance des citoyens à l'égard de ce que font les partis politiques, de ce que fait le gouvernement avec leurs données, a-t-elle dit. Donc, moi, je pense qu'il n'y a pas matière à lésiner. »

Le député de Québec solidaire Vincent Marissal a abondé dans le même sens. Il souhaite encadrer les partis « de la manière la plus solide possible ». Il a cependant souligné un autre passage du rapport du DGEQ, qui reconnaît leurs besoins particuliers.

« Il faut garder un équilibre pour assurer que nous soyons capables, comme parti politique, d'entrer en contact avec les gens, y compris pour faire de la sollicitation, y compris pour les inviter à des événements », a-t-il dit.

« On ne peut pas construire un mur de fer entre la population et les partis politiques, ce serait aussi contre-productif parce qu'on a besoin de leur parler. »

Depuis plus de cinq ans, le DGEQ réclame une « réforme en profondeur » de la Loi électorale pour encadrer l'utilisation des données personnelles par les partis politiques. Ceux-ci ne sont encadrés par aucune loi de protection de la vie privée, contrairement aux entreprises.

Or, au cours des dernières années, certaines formations politiques se sont dotées d'outils informatiques sophistiqués qui compilent et croisent une myriade de renseignements sur les électeurs. Grâce à des algorithmes, ils sont désormais capables de prédire le niveau de sympathie d'un électeur et ses champs d'intérêt.

Les appels du DGEQ ont revêtu un caractère plus urgent lorsqu'on a appris que les données de 87 millions d'usagers de Facebook avaient été détournées par la firme Cambridge Analytica afin de bâtir des « profils psychographiques ». Les personnes répondant à certains critères avaient ensuite été bombardées de publicités partisanes sur les réseaux sociaux pendant les campagnes du Brexit et lors de l'élection présidentielle américaine.