Le gouvernement Legault a déposé jeudi son premier projet de loi visant à nommer par un vote aux deux tiers des députés à l'Assemblée nationale le commissaire de l'Unité permanente anticorruption (UPAC), le directeur général de la Sûreté du Québec (SQ) et le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP).

Un premier projet de loi déposé par un nouveau gouvernement relève en partie du symbole. À ce titre, la ministre de la Sécurité publique et vice-première ministre du Québec, Geneviève Guilbault, affirme que cela « envoie un message fort concernant la volonté du gouvernement de vraiment dépolitiser les nominations ».  

Selon le nouveau processus de nomination proposé, un comité administratif formé d'experts sélectionnera depuis un appel de candidatures un nombre restreint de candidats qu'il présentera ensuite au premier ministre. Ce dernier fera ensuite un choix et le présentera à un comité formé d'un représentant de chaque parti reconnu à l'Assemblée nationale.  

C'est au final ce comité parlementaire qui rencontrera le candidat en huis clos et qui fournira un avis au premier ministre. Celui-ci proposera enfin son choix au Salon bleu pour que le candidat soit officiellement nommé dans ses nouvelles fonctions en obtenant impérativement l'appui du deux tiers des députés de l'Assemblée nationale.  

« Puisque notre démarche s'appuie sur des principes fondamentaux comme l'impartialité, la rigueur et la transparence, j'ai bon espoir que ce projet de loi fera l'objet d'un consensus et que nous pourrons l'adopter le plus rapidement possible », a fait savoir Mme Guilbault jeudi lors d'un point de presse.  

Risques de partisanerie ?

La vice-première ministre ne craint pas que ce nouveau processus de nomination soit l'objet de tractations partisanes. À l'avenir, les partis d'opposition auront plus de pouvoir quant à la nomination de ces postes clés pour l'appareil judiciaire et deux corps policiers.  

« Je pense que c'est bon de bonifier et de reconnaître l'importance du rôle d'un élu et de lui conférer un rôle dans ce processus décisionnel », a-t-elle dit jeudi.  

Lorraine Richard, député du Parti québécois (PQ) dans la circonscription de Duplessis sur la Côte-Nord et porte-parole du deuxième groupe d'opposition en matière de Sécurité publique, a pour sa part salué le projet de loi du gouvernement. Elle a toutefois posé une condition bien précise pour que sa formation politique appuie son adoption.

« Ce qu'on va demander, c'est que la personne qui sera le ou la nouvelle commissaire à l'UPAC soit quelqu'un de l'externe qui ne provienne pas d'un corps policier. C'est important pour retrouver la confiance des citoyens », a-t-elle souligné en point de presse.

« C'est essentiel, pour redonner confiance [en l'UPAC] qu'il y ait un co-commissaire qui vienne de la filière civile et non policière », a pour sa part affirmé Alexandre Leduc, député d'Hochelaga-Maisonneuve pour Québec solidaire.  

« Il faudra [aussi] que ce projet de loi soit bonifié substantiellement. [...] Il doit avoir plus qu'une personne qui nous soit soumis pour la discussion entre les différents partis politiques. [Sinon], ça reste un exercice de façade », a-t-il poursuivi.  

Du côté de l'opposition officielle, le Parti libéral a publié un communiqué jeudi après-midi soulignant que « la séparation des pouvoirs est un principe phare de notre système démocratique. »

« À ce chapitre, le projet de loi soulève de nombreuses questions. Nous prendrons le temps de l'analyser en détail et nous sommes convaincus que les consultations en commission parlementaire permettront d'apporter les éclairages nécessaires », a-t-on écrit.   

Lors de la dernière législature, la Coalition avenir Québec (CAQ) et le PQ ont fréquemment réclamé que le commissaire de l'Unité permanente anticorruption soit nommé par l'Assemblée nationale. Cette façon de procéder est déjà la norme pour certains postes clés comme celui de président de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.  

Avec le départ de Robert Lafrenière de la tête de l'UPAC plus tôt cet automne, le gouvernement Legault a désormais 18 mois (en date du 3 novembre) pour nommer un nouveau commissaire. Frédéric Gaudreau assure pour l'instant l'intérim.