Le gouvernement presse le Directeur général des élections du Québec (DGEQ) d'examiner les pratiques des partis politiques en matière de collecte et d'utilisation des données personnelles des électeurs.

La ministre responsable de l'Accès à l'information et de la Réforme des institutions démocratiques, Kathleen Weil, a déposé le projet de loi 188, mercredi, à quelques jours de la fin de la session parlementaire.

Le projet de loi, qui tient sur seulement deux pages, demande au DGEQ d'examiner et d'évaluer les pratiques des partis politiques québécois quant à la «collecte, l'utilisation, la communication, la conservation et la sécurité» des renseignements personnels des électeurs, et d'en faire rapport à l'Assemblée nationale au plus tard le 1er octobre 2019.

Il accorde également au gouvernement le pouvoir de demander au DGEQ un examen des pratiques aux paliers municipal et scolaire.

En visant l'ensemble des paliers électifs québécois, le gouvernement dit vouloir apporter une réponse globale aux préoccupations soulevées par les électeurs.

Car le scandale Facebook-Cambridge Analytica a été un «réveil assez brutal et soudain», a relaté la ministre Weil en conférence de presse, mercredi.

«On s'est aperçu que le monde a changé (....). On a pris le taureau par les cornes et on a dit: on va rassurer les électeurs, on va leur dire qu'on est capable d'agir bien, rapidement, et tous ensemble», a-t-elle déclaré.

Soupçons

Après la fuite de données Facebook-Cambridge Analytica, le premier ministre Philippe Couillard avait dit soupçonner la Coalition avenir Québec (CAQ) et Québec solidaire (QS) de faire affaire avec une firme qui collecte des données sur les réseaux sociaux comme Facebook, pour épier et cibler les électeurs. Les deux partis avaient démenti cette allégation.

À l'heure actuelle, il est tout à fait possible pour les partis politiques québécois de recueillir des renseignements auprès de tiers ou d'autres sources que le DGEQ. Les partis ne sont assujettis à aucune loi en matière de protection des renseignements personnels, ce qui a toujours empêché le DGEQ de mener des vérifications.

Déjà, dans son rapport annuel de gestion 2012-2013, le DGEQ recommandait une révision de la loi électorale. Il se disait «préoccupé», dans son rapport annuel de 2016-2017, par la mise en place de banques de données qui recueillent des renseignements sur les électeurs sans que ces derniers aient consenti à cette collecte.

Il suggérait que les électeurs puissent avoir la possibilité de refuser que les renseignements personnels qu'il détient soient communiqués aux partis politiques, aux députés et aux candidats.

Plus particulièrement, il recommandait de ne plus inclure le sexe et la date de naissance des électeurs dans les listes électorales qui sont transmises aux partis politiques, aux députés et aux candidats, considérant que ces renseignements ne leur sont pas nécessaires pour communiquer avec les électeurs et que le Québec est la seule province au Canada à donner ce type de renseignement.

«On reçoit le projet de loi de façon positive, a indiqué mercredi la porte-parole du DGEQ, Alexandra Reny. Ça va dans le sens des propositions qu'on avait faites.»

Adoption rapide?

Si le projet de loi 188 est adopté, le DGEQ pourra profiter de la prochaine campagne électorale, lorsque les partis seront particulièrement actifs, pour récolter des informations.

Aucun changement ne sera apporté avant le scrutin du 1er octobre 2018. Mais «l'important, c'est qu'il sera déjà en action», a affirmé Mme Weil.

D'ailleurs, elle compte sur la collaboration des partis d'opposition «afin d'adopter rapidement ce tout petit projet de loi de seulement quatre articles» avant le 15 juin.

«Évidemment, c'est une question qui se pose avec plus d'acuité en 2018 avant une élection, a réagi le leader parlementaire du Parti québécois (PQ), Pascal Bérubé. Oui, on est sensible à ça, la protection des données personnelles. Le PQ est prêt à s'engager dans des échanges à ce sujet-là, il n'a rien à cacher.»

De son côté, la CAQ a dit vouloir prendre connaissance du projet de loi, tandis que QS se disait «très interpellé» par la question de la protection des données.

«On va regarder le projet de loi et on va regarder ce qui est possible de faire», a déclaré le co-porte-parole de QS, Gabriel Nadeau-Dubois.