Peu après les dernières élections générales, Gaétan Barrette était dépeint par les journalistes comme « la coqueluche » parmi les membres du gouvernement Couillard. Pendant trois ans, le ministre de la Santé nous avait habitués à de longues interventions, à des commentaires sans fin à chaque réunion du caucus des députés libéraux. Surtout, il n'hésitait pas à sortir de ses plates-bandes, à commenter des sujets bien éloignés de ses responsabilités.

Les choses ont bien changé. Gaétan Barrette se fait bien plus rare depuis le début de l'année. En fait, a-t-on confié à La Presse, le cabinet de Philippe Couillard lui a demandé explicitement d'être plus parcimonieux dans ses interventions médiatiques. Au début de 2018, « il avait une grosse cible accrochée dans le dos », résume-t-on.

Jusqu'au début de l'année, Barrette pouvait facilement mobiliser les journalistes à la porte de la réunion des députés pendant 15 minutes, permettant souvent à un collègue plongé dans une controverse de s'esquiver sans trop de mal, a confié un de ses collaborateurs. Cette stratégie avait la bénédiction du « bunker », le cabinet du premier ministre. Pourtant, les dossiers chauds ne manquaient pas sur la table du ministre Barrette - des frais accessoires des médecins aux tarifs de stationnement des hôpitaux en passant par la nourriture en CHSLD et les bains aux aînés.

Mais depuis décembre, bien des choses ont changé. L'année 2017 s'est mal finie pour Gaétan Barrette. Éjecté des négociations entre le gouvernement et les médecins spécialistes, il a en plus perdu le contrôle de l'application de la loi 20 et de la loi 130, des pièces centrales de sa contribution au réseau de la santé. Trois années de travail au panier. 

Dans le même esprit, Barrette vient d'accepter que Sainte-Justine et le Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM) aient des conseils d'administration distincts - une hérésie par rapport à son plan de match original. Mais il faut choisir ses batailles. « Depuis qu'il s'est fait enlever la responsabilité des lois 20 et 130, on le voit beaucoup moins. Mais il n'a pas réduit les annonces », observe, ironique, Diane Lamarre, critique péquiste en matière de santé.

Car si on jette un coup d'oeil à la liste des annonces gouvernementales, en cette période préélectorale, Gaétan Barrette n'est pas moins actif. Rares sont les jours où il n'a pas à son compte une annonce d'investissement dans le réseau hospitalier. Au cours de la dernière semaine, des investissements ont été annoncés au Lakeshore, à Pierre-Boucher, en Mauricie, à Thetford et en Outaouais.

À la période des questions, Barrette est aussi moins agressif avec ses interlocuteurs, observe Lamarre. Leurs échanges en commission parlementaire tournaient souvent au vinaigre - le ton avait monté singulièrement entre les deux députés -, mais depuis des mois, la commission parlementaire de la santé est mobilisée par le projet de loi sur le cannabis, le dossier de Lucie Charlebois.

Les rumeurs de démission se sont multipliées au sujet de Gaétan Barrette en début d'année. Un journaliste lui a même téléphoné en lui demandant s'il était vrai qu'il avait présenté sa lettre de démission, qui avait été refusée. Il a nié avec la dernière énergie, mais la suspicion régnait tout de même. Il faut rappeler aussi que les attaques de l'opposition faisaient mouche ; le « gouvernement des médecins » avec Philippe Couillard, le ministre Barrette et le bras droit du premier ministre, le Dr Juan Roberto Iglesias, constituait une cible de choix. L'entente avec les médecins spécialistes a donné davantage de grain à moudre à l'opposition pendant plusieurs jours à l'Assemblée nationale.

À la même période, le verdict des sondages était impitoyable : au début de février, une enquête Ipsos réalisée pour La Presse indiquait que 61 % des gens jugeaient l'attitude du ministre « intransigeante et arrogante ». De plus, 71 % des répondants jugeaient que la santé était mal gérée. Une enquête plus récente de Léger indiquait que 81 % des gens jugeaient que la gestion de la santé était déficiente - 40 % estiment que la Coalition avenir Québec (CAQ) pourrait faire mieux dans ce domaine.

Dans les officines libérales, on convient facilement que Barrette est devenu un boulet politique, mais il n'est pas question de le mettre sur la touche.

Mais Barrette a bien entendu les rumeurs voulant que Fabrice Brunet, patron du CHUM, puisse se lancer en politique pour les libéraux.

Une sortie, surtout, a fait comprendre à la rock star de La Pinière qu'il valait mieux adopter un profil bas. En voulant expliquer que même s'il avait les budgets et les postes disponibles, les infirmières ne posaient pas leur candidature, le Dr Barrette semblait rendre les infirmières responsables de leur problème de fardeau de travail. L'entente récente qui prévoit des projets-pilotes pour revoir les ratios infirmières-patients était une avancée, saluée même par les membres de la FIQ. À partir de ce moment, Barrette lui-même a choisi d'être moins visible, même si sa décision de se représenter aux prochaines élections reste irrévocable.