Les agissements du ministre de la Santé, Gaétan Barrette, au coeur de multiples controverses depuis quelques mois, se retrouvent désormais sous la loupe de la commissaire à l'éthique et à la déontologie de l'Assemblée nationale, Me Ariane Mignolet.

Me Mignolet a annoncé vendredi avoir ouvert une enquête sur le ministre Barrette à la demande de la députée péquiste de Taillon, Diane Lamarre, dans la foulée d'un reportage de l'émission Enquête, de Radio Canada.

Le reportage visait d'une part une série de décisions du ministre Barrette apparemment prises malgré de multiples avis contraires de son personnel, d'experts et d'intervenants du réseau.

D'autre part, l'émission alléguait qu'un projet de pédiatrie en Montérégie, qui faisait consensus dans le milieu, avait été mis en suspens pour des raisons politiques, le projet en question se situant dans la circonscription péquiste de Taillon.

Cette circonscription est représentée par la porte-parole péquiste en matière de santé, Diane Lamarre, avec qui le ministre Barrette est à couteaux tirés à l'Assemblée nationale sur une base quasi quotidienne.

Or, c'est justement Mme Lamarre qui a porté plainte à la commissaire à l'éthique, affirmant avoir «des motifs raisonnables de croire que le ministre aurait commis des manquements au Code d'éthique et de déontologie (...) plus précisément à ses articles 15 et 16 qui concernent les situations de conflits d'intérêts».

Plus tôt dans la journée, le député François Paradis, de la Coalition avenir Québec (CAQ), avait réclamé trois enquêtes distinctes visant le ministre Barrette, dont une de la commissaire à l'éthique pour les mêmes raisons.

Qualifiant le reportage d'Enquête de «troublant» et «inquiétant», le député caquiste a reproché au ministre de penser «qu'il sait tout, qu'il connaît tout», y voyant la manifestation «de ce qu'on a déjà appelé le complexe de Dieu».

Il réclamait ainsi également une enquête du Vérificateur général sur le dossier de la clinique de pédiatrie en Montérégie ainsi que sur un autre élément du reportage touchant notamment l'attribution d'un nouveau permis de radiologie à Saint-Jérôme et une enquête du Commissaire au lobbyisme également sur ce dernier dossier.

Barrette imperturbable

Fidèle à lui-même, Gaétan Barrette n'a pas cherché à fuir les médias, à éviter les questions ou à se justifier.

Il a plutôt traité les informations de la société d'État avec une certaine désinvolture. «Voilà la nouvelle: Enquête vous a révélé que je prenais des décisions. Je vous annonce que je vais en prendre encore», a lancé le ministre.

Quant à d'éventuelles enquêtes, avant même l'annonce de la commissaire à l'éthique et à la déontologie, le ministre a d'abord reproché aux partis d'opposition de «politiser une situation qui est très normale».

Puis, il s'est dit ouvert à «collaborer avec quiconque voudra bien faire une enquête; il n'y a aucun enjeu pour moi, les choses ayant été faites selon les règles de l'art».

Couillard: «campagne organisée»

Le premier ministre Philippe Couillard, de son côté, a réitéré sa pleine confiance envers son ministre de la Santé.

Selon lui, il est «clair qu'il y a une campagne organisée de noircir la personne. Les gens ont décidé qu'on allait s'attaquer à la personne de M. Barrette», a-t-il déclaré en mêlée de presse à Montréal vendredi matin.

Alors que le ministre Barrette allègue que le projet de clinique de pédiatrie en Montérégie n'a pas vu le jour en raison d'une erreur d'une secrétaire, qui aurait omis d'envoyer la lettre y donnant le feu vert, le premier ministre est allé jusqu'à soutenir que la mise en suspens du projet était attribuable au fait qu'«aucun des grands hôpitaux ne soutenait le projet en question».

Le premier ministre en a même profité pour faire l'éloge du controversé ministre, affirmant que «depuis des années, il a probablement un des meilleurs bilans en termes d'accès aux services qu'on ait vu au Québec».

Il a ainsi repris à son compte les chiffres que martèle depuis des semaines Gaétan Barrette lui-même sur l'accès accru aux médecins de famille, la réduction du temps d'attente dans les urgences et pour les chirurgies.

Il a répété que les critiques constantes à l'endroit du ministre Barrette ne sont rien de plus qu'une «campagne même pas subtile pour s'attaquer à la personne plutôt qu'aux enjeux».