Deux nominations à la Commission des droits de la personne ont tourné à la chicane à l'Assemblée nationale jeudi. Le premier ministre Philippe Couillard a accusé la Coalition avenir Québec (CAQ) d'avoir une conduite «irresponsable» et «antidémocratique» en s'abstenant d'approuver les candidatures au Salon bleu.

Depuis plusieurs mois, les troupes de François Legault exercent un moyen de pression sur le gouvernement en vue de modifier le processus de nomination d'une série d'officiers aux deux tiers de l'Assemblée nationale. Les caquistes ont décidé de s'abstenir de voter lorsque vient le temps d'en nommer un, et ce, tant et aussi longtemps qu'ils n'obtiendront pas gain de cause.

C'est ce qu'ils ont fait jeudi lorsque Philippe Couillard a proposé en Chambre deux nominations à la Commission des droits de la personne: l'avocat Philippe-André Tessier à titre de vice-président et Marjorie Villefranche, directrice générale de la Maison d'Haïti, au poste de membre à temps partiel. 89 députés ont voté en faveur des deux nominations, tandis que les 20 caquistes présents se sont levés pour exprimer leur abstention. Leur décision a provoqué un brouhaha en Chambre qui a forcé l'interruption momentanée des deux votes.

À la sortie de la Chambre, Philippe Couillard a sollicité les journalistes pour donner une réaction. Il n'avait jamais fait une telle chose depuis le début des moyens de pression de la CAQ.

«C'est irresponsable comme conduite», «c'est antidémocratique » et cela « va contre l'intérêt supérieur du Québec notamment pour des nominations comme la Commission des droits de la personne », a-t-il tonné.

Selon lui, la CAQ fait «une démonstration absolument éclatante de son incohérence»: elle demande par exemple que le patron de l'UPAC soit nommé aux deux tiers de la Chambre mais s'abstient lorsque vient le temps de procéder à ce type de vote, a-t-il soutenu. «Ils en font un enjeu de marchandage. Et c'est toujours comme ça pour les nominations aux deux tiers: "je vais nommer, mais donne-moi ça sur une autre affaire". C'est comme ça que ça se passe dans la vraie vie», a-t-il affirmé.

Les nominations aux deux tiers, «c'est bien», et le gouvernement a accepté récemment cette procédure pour les membres du comité de surveillance de l'UPAC et le patron de l'Autorité des marchés publics, a-t-il fait valoir. «Mais il ne faut pas penser que c'est une garantie uniforme et absolue d'indépendance parce qu'il y a des jeux politiques autour de ça. Et le comportement de la CAQ aujourd'hui l'illustre bien», a-t-il ajouté.

De son côté, la CAQ fait valoir qu'elle souhaite que le gouvernement lui remette une liste de noms pour les nominations aux deux tiers, et non une seule proposition. Elle réclame la création d'un «comité de sélection» pour analyser les candidatures.

Philippe Couillard a répondu par la négative lorsque les journalistes lui ont demandé s'il a dû faire du «marchandage» avec le Parti québécois pour les deux nominations à la Commission des droits.

Philippe-André Tessier, qui comblera un poste de vice-président vacant depuis plus d'un an, est un avocat spécialisé en droit du travail au cabinet Robinson Sheppard Shapiro. Il est président du conseil d'administration de la Société québécoise d'information juridique depuis sa nomination par le gouvernement Marois en 2013. Il était un donateur du Parti québécois dans le passé. Il a déjà été président de l'association péquiste de Laurier-Dorion.

En décembre dernier, le PQ avait d'abord bloqué la nomination de Tamara Thermitus à la tête de la Commission des droits de la personne. L'avocate issue du ministère fédéral de la Justice est avant tout dans le giron de Dominique Anglade, très «pro-multiculturalisme», confiait alors une source péquiste. Le PQ s'était par la suite rallié à la candidature de Mme Thermitus, en février dernier.

La présidente est absente de son poste depuis le 25 octobre. Elle est en congé de maladie. Elle est visée par une enquête du Protecteur du citoyen à la suite du dépôt de plaintes pour abus d'autorité, mauvaise gestion et manque de respect envers le personnel. En octobre, la ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, a nommé une vérificatrice externe, Lise Verreault, pour faire la lumière sur la crise interne à la Commission.