La ministre du Travail, Dominique Vien, brandit la menace d'une loi spéciale au moment où les 175 000 travailleurs de l'industrie de la construction sont en voie de déclencher la grève à minuit. Selon elle, le Québec « n'a pas les moyens » de perdre 45 millions de dollars par jour en cas de débrayage.

« J'exhorte les parties à en arriver à une entente négociée d'ici la fin de la journée », a-t-elle affirmé à ses bureaux de Québec en début d'après-midi mardi. En cas de grève, le dépôt d'une loi spéciale « est l'option que nous regardons actuellement ».

« Si nous étions dans une impasse ce soir, j'agirais. Ni les parties syndicales ni les parties patronales n'en sortiraient gagnantes », a-t-elle ajouté. « Nous ne souhaitons pas aller vers une loi spéciale, mais c'est une option que j'envisage. » 

Rappellerait-on les députés, en relâche cette semaine, pour adopter une loi spéciale rapidement à l'Assemblée nationale ? Le gouvernement pourrait-il attendre jusqu'à la semaine prochaine ? « Je ne veux pas aller dans les détails, a répondu la ministre. Nous serons prêts au moment opportun à agir s'il le faut. » Elle a insisté sur l'impact économique « important » qu'aurait un débrayage sur l'économie québécoise.

Elle a fait valoir que les négociations sont en cours depuis le 1er octobre 2016 et que le gouvernement « a répondu rapidement dans l'affirmative » à chaque requête des parties pour des services de médiation ou de conciliation. Elle a ajouté que les parties avaient prévu de ne pas négocier au cours de la fin de semaine, mais qu'elles ont finalement accepté de le faire à la suite de son intervention vendredi. 

En 2013, lors des précédentes négociations, les travailleurs de la construction avaient fait la grève. Quelque 100 000 d'entre eux - dans les secteurs résidentiel, du génie civil et de la voirie - avaient finalement convenu d'une entente avec les associations patronales après quelques jours de débrayage. Le gouvernement Marois avait toutefois eu recours à une loi spéciale pour forcer le retour au travail des 75 000 travailleurs du secteur industriel, commercial et industriel, qui avaient fait la grève pendant deux semaines.

Le conflit actuel porte sur les salaires, le temps supplémentaire et l'aménagement des horaires de travail. L'Alliance syndicale de la construction demande des hausses salariales de 2,6% par année et « un minimum de sécurité d'emploi » pour ses membres. « On trouve ça malheureux quand un gouvernement nous met une épée de Damoclès quand on est en cours de négociation », a réagi son porte-parole Michel Trépanier à la suite de la sortie de la ministre Vien. « On met toutes nos énergies pour arriver à une entente négociée. Il y a des discussions extrêmement intensives. »

De son côté, la partie patronale réclame plus de souplesse dans les horaires de travail.

« Ce serait extrêmement étonnant qu'on ait une entente d'ici minuit. Depuis le début, on le sent, les syndicats ont clairement décidé qu'il allait y avoir une grève générale illimitée dans l'industrie de la construction », a affirmé le vice-président de l'Association des professionnels de la construction et de l'habitation du Québec (APCHQ), François-William Simard. « C'est vrai qu'il y a eu une rencontre de négociation, et je pourrais vous dire qu'on est confiants, mais ce ne serait pas la bonne réponse. La réponse transparente, c'est que ce serait surprenant qu'on arrive à une entente. »

Selon lui, les demandes syndicales représentent des hausses de 13% à 17% en quatre ans selon le métier, donc de 3,25% à 4,25% par an (salaires et avantages sociaux). « C'est déraisonnable », a-t-il dit. La partie patronale offre 1,6% par année.

« Le meilleur scénario, c'est une entente négociée. Maintenant, le message de la ministre est clair : il va falloir s'entendre rapidement sinon il va y avoir une loi spéciale. Et il y a quelque chose qu'on partage là-dedans, c'es-à-dire qu'on ne peut rester dans un conflit de travail pendant des semaines et des semaines », a soutenu M. Simard.