Le maire Denis Coderre a essuyé des critiques à l'Assemblée nationale, mardi, pour son rôle dans l'enquête policière qui s'est soldée par l'espionnage du journaliste Patrick Lagacé.

M. Coderre a admis qu'il s'est plaint directement à l'ancien chef du Service de police de la Ville de Montréal, Marc Parent, de fuites médiatiques dont il se disait victime. Cette conversation a mené au déclenchement d'une enquête au cours de laquelle le relevé téléphonique de M. Lagacé a été consulté durant deux semaines.

Le comportement du maire lui a valu une critique à peine voilée du premier ministre Philippe Couillard, qui a lancé un «appel à la prudence» aux élus dans leurs rapports avec la police.

«On doit être excessivement prudents, et même plus que prudents, dans tout lien entre les élus et les forces policières au sujet d'enquêtes ou pendant des enquêtes», a affirmé M. Couillard.

Mais son ministre de la Sécurité publique, Martin Coiteux, s'est abstenu de critiquer Denis Coderre pour son intervention auprès du patron du SPVM. Il n'avait pourtant pas hésité à qualifier d'«assez particulier» et de «quand même curieux» que le péquiste Stéphane Bergeron, qui était ministre de la Sécurité publique en 2013, ait fait une intervention auprès du patron de la SQ après avoir reçu une lettre du président de la FTQ Michel Arsenault. Ce dernier se plaignait que des médias étaient en mesure de diffuser des extraits de l'écoute électronique dont il avait fait l'objet par les policiers. L'affaire avait mené à la surveillance électronique de journalistes par la SQ.    

«Je ne vais pas me prononcer sur est-ce que c'est les mêmes choses, les mêmes circonstances, tout ça» dans le cas de M. Coderre, a soutenu Martin Coiteux. Pourquoi avoir critiqué M. Bergeron et ne pas oser le faire dans le cas de M. Coderre? a demandé un journaliste. «Ce n'est pas une question d'oser ou de ne pas oser. Ce qu'on ose faire, ce qui est un geste important, c'est qu'on crée une commission d'enquête», a-t-il répondu. Il a précisé que cette commission examinera «l'ensemble de la chaîne de décisions» ayant mené à l'espionnage de journalistes.

Coderre «n'aurait pas dû faire ça», dit Lisée

Aux yeux du chef du Parti québécois, Jean-François Lisée, M. Coderre «n'aurait pas dû faire ça». Il juge inapproprié que le maire se soit plaint personnellement au chef du SPVM au sujet de fuites médiatiques qui l'embarrassaient.

Le maire s'est défendu en disant avoir agi comme «citoyen», mais M. Lisée a remis en cause cette version des faits.

«Ça l'a placé dans une situation extraordinairement délicate, je pense, a dit M. Lisée. Il faut éviter de se placer dans ces situations-là. Ça le concernait personnellement et, dans ce cas-là, ce n'est pas le citoyen Coderre qui a appelé, c'est le maire Coderre. Et d'ailleurs, c'était le maire Coderre qui était visé par les fuites.»

«Inquiétant» selon Legault

Le chef de la Coalition avenir Québec, François Legault, a pour sa part jugé «inquiétant» le comportement du maire Coderre. Il a dit souhaiter que l'enquête publique lancée par le gouvernement Couillard se penche «rapidement» sur la suite des événements qui a mené le SPVM à espionner M. Lagacé.

«On a été les premiers à le dire, ça prend trois commissaires: un qui représente le juridique ou la magistrature, un qui représente les médias et un qui représente les policiers, a dit M. Legault. Donc, c'est important que ces trois personnes-là enquêtent sur les conversations qu'il y a eu entre Denis Coderre et le chef de police de Montréal.»