Québec a finalement annoncé, vendredi à Montréal, sa stratégie pour prévenir les violences sexuelles, une stratégie revendiquée depuis quelques années, et qui est dévoilée quelques jours après l'affaire Sklavounos.

Cinq ministres se sont déplacés pour annoncer différentes mesures, parmi lesquelles une escouade policière intégrée et davantage de recours aux télé-témoignages dans les endroits éloignés notamment.

Une somme de 200 millions $ y sera consacrée sur cinq ans, mais seulement 26 millions $ de nouveaux investissements. Dans la plupart des cas, donc, il s'agira de mesures qui seront reconduites.

Entre autres, le ministre de la Sécurité publique, Martin Coiteux, a fait part de sa volonté de créer une escouade policière intégrée de lutte contre l'exploitation sexuelle. Il s'agira d'une escouade interrégionale pour lutter contre les réseaux de proxénétisme et de traite des personnes. Tous les détails n'en sont pas arrêtés, mais le ministre a d'ores et déjà indiqué que le Service de police de la ville de Montréal et la Sûreté du Québec en feraient partie.

De même, la ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, a annoncé que le recours au télé-témoignage serait étendu. «Il faut maximiser l'utilisation de la visioconférence sur l'ensemble du territoire du Québec. À cet égard, nous allons déployer des systèmes mobiles pour permettre de rejoindre toutes les régions et pour permettre aux victimes de témoigner de façon plus libre», a-t-elle indiqué.

La ministre de l'Enseignement supérieur, Hélène David, a pour sa part réitéré sa volonté d'avoir pour 2017 une politique ou une loi-cadre sur la question de la prévention et de la sécurité dans les campus.

Elle a aussi annoncé la tenue de quatre journées de réflexion sur les questions comme le consentement et les agressions sexuelles. Celles-ci seront «préparées d'ici janvier» et tenues d'ici le mois de mars, a précisé Mme David.

Les groupes communautaires, qui ont vu leur clientèle augmenter à cause des compressions budgétaires dans les services publics, devraient recevoir «plus de la moitié» de la somme, a précisé la ministre responsable de la Condition féminine, Lise Thériault.

Les groupes qui viennent en aide aux victimes d'agressions sexuelles, notamment, se plaignent depuis des années d'être sous-financés et d'avoir peine à planifier à moyen terme.

Réactions

Le Regroupement des Centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS) s'est réjoui de l'annonce gouvernementale. Le regroupement se félicite particulièrement du recours étendu au télé-témoignage, à la formation accrue des intervenants et aux rencontres préalables avec les procureurs.

Présente sur place, la vice-présidente de la CSN responsable de ces dossiers, Véronique De Sève, s'est dite «impressionnée non, mais heureuse oui, parce que depuis de nombreuses années on attend cette stratégie-là». La CSN représente de nombreux travailleurs dans les services sociaux et les centres jeunesse, notamment.

Mme De Sève ne croit pas que les fonds octroyés seront suffisants, compte tenu des compressions budgétaires passées. «Non. Le gouvernement réinvestit, mais il a tellement coupé, que ces investissements-là, ce n'est que ce qui aurait dû être là au départ», a-t-elle commenté en entrevue avec La Presse canadienne.

Même son de cloche à la Centrale des syndicats du Québec, où la présidente Louise Chabot aurait aimé davantage d'accent sur la prévention, comme avec des cours d'éducation sexuelle généralisés dès le jeune âge, qui aborderaient la question des rapports entre les personnes.

«On va manquer de ressources encore (dans les groupes communautaires). Ces groupes-là ont été coupés partout dans les régions, dans leur mission autonome. Et la réponse évasive qu'on a eue (de la ministre Thériault) de «la moitié de la somme de... on ne sait pas quelle somme', ce n'est pas suffisant», a déploré Mme Chabot, qui représente la majorité des enseignants du préscolaire, primaire et secondaire, en plus de professionnels qui viennent en aide aux jeunes.

Du côté de Québec solidaire, la députée Manon Massé a aussi jugé insuffisantes les sommes annoncées. «On sait qu'on a un surplus budgétaire de près de 4 milliards $. On attendait cette politique. On nous dit que c'est important et là, avec 5 millions $ par année, c'est une «joke'. Il y a là quelque chose d'extrêmement décevant», a-t-elle critiqué.

Du côté de l'opposition péquiste, la députée Mireille Jean a aussi noté «de grands absents» de cette stratégie, comme les cours d'éducation sexuelle dès le primaire. Elle déplore également l'absence de précisions quant aux moyens pour aider les femmes autochtones et quant aux ressources dont disposeront les CALACS.

«Ça fait trois ans qu'on attend (cette stratégie), on se serait attendu à plus de précisions», a-t-elle commenté en entrevue.