La société Pétrolia a écrit au premier ministre Philippe Couillard, lundi, pour lui rappeler qu'il n'a toujours pas donné suite à son engagement de rencontrer ses représentants dans les plus brefs délais, concernant l'exploration d'hydrocarbures sur l'île d'Anticosti.

Dans sa lettre, le président de l'entreprise, Alexandre Gagnon, souligne que M. Couillard avait fait part, le 16 février dernier, de son intention de rencontrer «rapidement» les dirigeants de Pétrolia.

M. Couillard avait pris cet engagement le lendemain d'une sortie M. Gagnon, qui a clos une succession de déclarations du premier ministre contre la prochaine étape du programme d'exploration d'hydrocarbures sur l'île d'Anticosti, dont le gouvernement québécois est pourtant partenaire.

Alors qu'il était en mission à Washington, il y a une dizaine de jours, M. Couillard avait assuré que la rencontre s'organisait mais la semaine dernière, une source au sein de Pétrolia indiquait que le cabinet du premier ministre n'avait pas encore donné aucune suite à son engagement.

Dans sa lettre datée du 29 février, M. Gagnon presse M. Couillard de joindre le geste à la parole afin de dissiper la «confusion» et les «incertitudes» provoquées par ses prises de position publiques.

«Compte tenu de l'enjeu que cela représente pour nos partenaires et nos investisseurs, je me permets de revenir à la charge pour que l'engagement pris le 16 février puisse se matérialiser prestement», écrit-il.

Le président de Pétrolia soutient que l'entreprise traverse une période difficile depuis les premières déclarations de M. Couillard, en décembre, où il a commencé à prendre ses distances du projet d'exploration.

«La médiatisation outrancière du dossier Anticosti et la multiplication des déclarations publiques sur son objet ont suscité de la confusion et des incertitudes que nous souhaitons ardemment voir dissiper, écrit M. Gagnon. Nous sommes convaincus que vous êtes à même de comprendre l'importance que revêt cette rencontre, nécessaire dans les circonstances.»

Pétrolia a transmis la lettre de M. Gagnon par courriel, lundi, notamment au directeur de cabinet du premier ministre, Jean-Louis Dufresne, ainsi qu'au secrétaire général du Conseil exécutif, Juan Roberto Iglesias.

Au cabinet de M. Couillard, le porte-parole Harold Fortin a affirmé lundi qu'il n'y aura aucun commentaire d'ici à ce que la rencontre avec Pétrolia soit annoncée publiquement.

Après avoir exprimé son intention de «tout faire» pour empêcher les forages avec fracturation hydraulique sur Anticosti, au début du mois, M. Couillard a déclaré que les fonctionnaires, qui doivent évaluer les demandes d'autorisations réglementaires, «feront ce qu'on leur dira».

Ces propos avaient mené M. Gagnon à craindre que le cheminement administratif de sa demande de certificat d'autorisation soit «vicié» par l'opposition du premier ministre à la fracturation hydraulique, une méthode d'exploration controversée qui nécessite l'injection de produits chimiques dans le sol.

Au moment où Pétrolia avait réclamé la première fois une rencontre avec M. Couillard, il y a deux semaines, M. Gagnon n'avait pas exclu la possibilité de poursuites judiciaires en cas de non-respect des ententes ratifiées par le gouvernement.

L'opposition péquiste et caquiste a affirmé que les prises de position de M. Couillard auront des conséquences sur les investissements au Québec car elles créent une incertitude sur la valeur des engagements contractuels du gouvernement.

M. Couillard a plaidé que le gouvernement péquiste est responsable de la participation financière de l'État, annoncée en 2014, dans une coentreprise d'exploration, Hydrocarbures Anticosti, mais des documents ont démontré que le projet avait été lancé alors que les libéraux de Jean Charest étaient au pouvoir, en 2012.

Dans sa lettre, lundi, M. Gagnon a relevé que M. Couillard a cessé de provoquer des turbulences avec ses déclarations, depuis la mi-février.

«Bien que le dossier d'Hydrocarbures Anticosti semble maintenant évoluer dans le respect des obligations contractuelles et sur un ton beaucoup plus posé, nous demeurons toujours sans nouvelles et dans l'attente d'une convocation de votre part», rappelle-t-il.

À Montréal, lors d'un point de presse, le chef péquiste Pierre Karl Péladeau a déclaré que ce délai à répondre à Pétrolia illustre que M. Couillard ne respecte pas ses engagements.

«Avec le premier ministre, les promesses s'envolent mais les dommages restent», a-t-il dit.

Le député caquiste Benoit Charette s'est montré déçu, lors d'un point de presse à Québec, en voyant que le dossier n'a pas progressé avec l'entreprise.

«Le gouvernement aurait dû rencontrer les acteurs de Pétrolia il y a quelques semaines de ça parce que le premier ministre a viré capot littéralement sur cet enjeu-là, une question de respect autant de l'entreprise avec laquelle le gouvernement est partenaire, mais également par respect de sa propre parole donnée», a-t-il dit.

Manon Massé, députée de Québec solidaire, a de son côté demandé à M. Couillard de convier les partis d'opposition à participer à la rencontre avec Pétrolia.

«Philippe Couillard doit dépasser le stade des paroles, a-t-elle dit dans une déclaration écrite. Nous sommes toujours en attente d'actions concrètes du premier ministre sur cet enjeu. La publication de l'entente qui le lie à Pétrolia et l'annonce qu'il n'y aura pas de fracturation hydraulique cet été nous permettraient d'avancer dans ce dossier.»