Le Syndicat de la fonction publique du Québec (SFPQ) accuse le gouvernement de «mettre du sable dans l'engrenage» et de lui tendre un «piège à cons» pour retarder la tenue d'une grève dans les prochains mois.

Les deux parties se sont affrontées devant la Commission des relations du travail, à Québec, vendredi, sur la façon d'assurer les services essentiels en cas de conflit de travail.

Actuellement, les négociations en vue du renouvellement de la convention collective se poursuivent, mais un gouffre sépare les parties, ce qui laisse présager des moyens de pression cet automne.

Des ententes ont été convenues entre le syndicat et les ministères et organismes sur la prestation des services essentiels, mais le Conseil du trésor, qui chapeaute le tout pour la partie patronale, est arrivé ensuite avec ses propres exigences pour une entente générale. Or, tant qu'il n'y a pas d'entente, il ne peut y avoir de grève.

Le Conseil du trésor prétend que le gouvernement n'a pas les numéros de téléphone des employés. Il exige donc que le syndicat appelle lui-même, à la demande des cadres, ses membres dans tout le Québec pour les affecter à la prestation des services essentiels à la population pendant une grève.

Mais le SFPQ soutient qu'il n'a pas le personnel requis pour effectuer cette tâche, avec seulement 32 permanents au siège social, et qu'il n'a pas les numéros de ses membres. Selon le syndicat, les 3300 cadres et 600 hauts-dirigeants du gouvernement sont les mieux placés pour contacter le personnel nécessaire, comme cela s'est fait en 2005.

«Cela n'a pas de sens, a plaidé l'avocat du syndicat, Denis Bradet, devant la commissaire Annie Laprade. Le syndicat ne voit pas comment il va réussir la commande (de gérer le personnel dans tout le Québec au cours d'une grève éventuelle). Il y a des risques énormes d'erreurs, de problèmes.»

À ses yeux, le Conseil du trésor cherche à utiliser cette procédure sur les services essentiels comme un moyen pour rendre l'exercice du droit de grève plus difficile, et prendre le syndicat en défaut en cas d'erreur dans la prestation de services, pour ensuite le poursuivre pour outrage au tribunal.

«C'est mettre un peu de sable dans l'engrenage, parce qu'une fois qu'une entente sur les services essentiels est conclue, on a le droit à la grève», a résumé la vice-présidente du SFPQ, Maryse Rousseau, dans un point de presse, avant la reprise de l'audience en matinée.

«Si j'étais l'employeur, je ferais tout pour retarder les choses», a-t-elle ajouté.

Elle n'arrive pas à gober la version de l'employeur qui prétend qu'il n'a pas accès aux numéros de téléphone des employés dans sa grande banque de données informatiques.

«Je ne peux pas croire ça», a-t-elle dit.

Remettre au syndicat l'obligation de contacter ses membres pour les besoins en services essentiels en temps de grève entraîne un fardeau insurmontable pour l'organisation syndicale qui n'a pas cette expertise, a-t-elle fait valoir.

«On me met dans une situation où je ne serai pas en mesure de remplir cette obligation, et après ça je m'expose à une poursuite. Comment je m'en sors? C'est un piège à cons», a-t-elle dit.

De son côté, le Conseil du trésor se défend de vouloir mettre des bâtons dans les roues du syndicat, pour retarder ses moyens de pression.

«On ne cherche pas à nier le droit de grève du syndicat», a déclaré Pierre Lefebvre dans sa plaidoirie.

À son avis, les 1800 délégués du SFPQ sont parfaitement capables de réquisitionner les services d'employés sur appel en cas de besoin, comme cela a été fait dans d'autres cas, lorsque le syndicat gérait les demandes de l'employeur, par exemple dans des conflits avec les juristes de l'État, ou avec les employés de la Ville de Montréal.

«Notre demande est loin d'être farfelue et est inspirée par le bon sens», a-t-il dit.

Me Bradet a pour sa part répliqué que c'est à la demande expresse des syndicats cités en exemple que la Commission des relations du travail leur a confié cette responsabilité, ce qui n'est pas le cas ici.

L'avocat du SFPQ persiste: la proposition du Conseil du trésor est «onéreuse et complexe» pour le syndicat, qui ne pourrait, au pied levé, répondre aux demandes de personnel sur appel en cas de grève, alors que dès demain matin, les cadres du gouvernement pourraient, avec les coordonnées des employés, appeler directement le personnel requis.

«Il est hors de question que 1800 délégués, qui sont des bénévoles, éparpillent de cette façon la responsabilité des services essentiels, a soutenu Me Bradet. C'est plus important que ça, les services essentiels.»