Québec resserrera la loi 101 pour forcer les détaillants affichant une marque de commerce en anglais à ajouter un descriptif en français.

Le premier ministre Philippe Couillard l'a confirmé à mots à peine couverts vendredi. «J'aurais souhaité que toutes les entreprises le fassent volontairement. Il y a un très petit nombre d'entreprises qui ne le font pas. On est en fin d'analyse (...) sur les gestes à poser. Ça devrait être annoncé prochainement», a-t-il affirmé lors d'une conférence de presse pour dresser le bilan de la session parlementaire qui a pris fin vendredi.

L'objectif n'est pas «d'effacer» les marques de commerce en anglais. «Il ne s'agit pas que Canadian Tire devienne Pneu Canadien, soyons clairs», a insisté le premier ministre. Les entreprises doivent plutôt faire un «clin d'oeil» aux Québécois sur leurs enseignes.

«J'en fais, moi, une question de politesse, a soutenu Philippe Couillard. J'aime que Second Cup, par exemple, ait eu la délicatesse d'indiquer : Les Cafés Second Cup. Tout le monde sait qu'il y a du café, mais c'est comme si cette entreprise me dit : je sais où je suis, je sais dans quel environnement je suis, je connais l'existence du fait français au Québec. On pense qu'un message de type clin d'oeil à la population est nécessaire.»

En avril dernier, la Cour d'appel a maintenu une décision de la Cour supérieure, qui avait statué que la Charte de la langue française ne permet pas à l'Office québécois de la langue française (OQLF) d'exiger aux détaillants des descriptifs en français. Elle a ainsi débouté le gouvernement du Québec et donné gain de cause à Wal-Mart, Best Buy, Costco, Old Navy, Gap, Curves, Toys R Us et Guess.

Le juge de la Cour supérieure Michel Yergeau avait indiqué dans sa décision qu'il revient au «législateur de faire quelque chose» s'il estime que «le visage linguistique français du Québec souffre d'une vague, voire d'une déferlante, des marques de commerce de langue anglaise dans l'affichage public».

En matinée jeudi, la ministre de la Protection et de la Promotion de la langue française, Hélène David, n'avait pas voulu ouvrir son jeu. «Le ministère de la Justice a jusqu'au 26 juin pour décider s'il va à la Cour suprême» pour contester la décision de la Cour d'appel. «Pendant ce temps-là, nous regardons toutes les options et quand nous serons prêts à donner la décision, nous donnerons la décision». Une source gouvernementale a toutefois confirmé par la suite que la Charte est bel et bien en voie d'être resserrée. Une annonce serait faite la semaine prochaine.

Philippe Couillard sur...

...un remaniement

Philippe Couillard a laissé planer la possibilité d'un remaniement ministériel à court terme. «Je suis toujours en réflexion sur la façon d'améliorer mon gouvernement», a-t-il répondu lorsqu'on lui a demandé s'il entend rebrasser les cartes cet été, avant la rentrée parlementaire de la mi-septembre.

...le tchador

Philippe Couillard soutient qu'il ne pouvait respecter sa promesse d'interdire le port du tchador pour les employés de l'État, car une telle mesure aurait été illégale. En janvier 2014, lorsqu'il dans l'opposition, il s'était engagé à bannir dans l'appareil public le tchador, au même titre que la burqa et le niqab. «Le port de ces trois vêtements par la femme est l'instrumentalisation de la religion pour des fins d'oppression et de soumission», disait-il. Le tchador «apparaît incompatible avec l'exercice des services publics». Or le projet de loi sur la neutralité religieuse bannit sans le nommer le port du voile intégral seulement (la burqa et le niqab ; le tchador ne masquant pas le visage). On y prévoit en effet que les services publics doivent être donnés et reçus à visage découvert. «Je n'ai pas changé d'idée, je demeure exactement dans la même opinion personnelle sur ce que véhicule ce type de vêtement (le tchador) sur la femme» a dit M. Couillard, jeudi. Mais «les libertés et les droits, ce n'est pas une question anodine. Moi, je suis premier ministre du Québec et je dirige un gouvernement. Je ne veux pas présenter un projet de loi illégal à l'Assemblée nationale. C'est une question qui est délicate.»

...les difficultés de la CAQ

À l'Assemblée nationale vendredi, Philippe Couillard a invité François Legault à joindre les rangs du Parti libéral estimant qu'il «défend la même cause» que lui. «Il y avait une touche d'humour», a dit le premier ministre par la suite. Mais on perçoit qu'il fait de l'oeil aux députés caquistes, dont le parti est en eaux troubles. Le PLQ a déjà dans ses rangs trois anciens adéquistes (Sébastien Proulx, Richard Merlini et Pierre Michel Auger). «La cause, à plusieurs égards, que défend la CAQ, c'est la nôtre également : la gestion responsable des finances publiques, le progrès économique du Québec, le progrès de l'emploi, le progrès de la qualité de vie des citoyens, l'abaissement le plus rapidement possible du fardeau fiscal. Il y a là une convergence, pour employer un mot fameux, qui me semble notable. Sur cette base-là, je me suis permis de faire cette remarque (à M. Legault). À chacun ses choix», a dit M. Couillard.