Il y a deux mois, il assurait la victoire de ses troupes. Aujourd'hui, la certitude s'est envolée. Pierre Karl Péladeau a perdu des plumes au cours de la campagne à la direction du Parti québécois (PQ). Au moment où il devrait être au zénith dans l'opinion publique, le magnat de la presse paraît en panne d'appuis et n'est pas parvenu à attirer les électeurs des autres partis, constate la maison CROP dans son plus récent sondage.

Lors de son enquête de février, CROP observait qu'avec Pierre Karl Péladeau à sa tête, le PQ aurait remporté les élections générales avec 37 % des suffrages, contre 33 % pour le Parti libéral du Québec (PLQ) et 18 % pour la Coalition avenir Québec (CAQ). Le coup de sonde réalisé du 15 au 20 avril auprès de 1000 internautes montre que l'appui à un PQ dirigé par M. Péladeau est en baisse de sept points, « une baisse significative », à 30 %. Les libéraux de Philippe Couillard marquent le pas à 33 % et la CAQ grimpe de quatre points, à 22 %. « Ce serait à coup sûr un gouvernement minoritaire et il serait difficile de prédire qui prendrait le pouvoir », résume Youri Rivest, vice-président de CROP. Par rapport à la situation actuelle, avec Stéphane Bédard comme chef intérimaire, l'arrivée de M. Péladeau fait monter le PQ de trois points, alors qu'Alexandre Cloutier apporte un point.

Plafond bas

Ce score de 30 % contre le PLQ pour celui qui, de toute évidence, deviendra le prochain chef péquiste n'augure rien de bon pour le Parti québécois, estime Youri Rivest. Un nouveau chef fait normalement le plein de ses appuis potentiels et doit manoeuvrer pour les conserver par la suite. Quand il est devenu chef, André Boisclair avait décroché plus de 50 % des intentions de vote ; Philippe Couillard, François Legault et Justin Trudeau récoltaient tous 40 % des suffrages lors de leur arrivée à la barre de leur parti. « Le plafond de M. Péladeau est un peu bas, et son défi sera de convaincre des gens qui ne sont pas péquistes », souligne M. Rivest. Peut-être que sa victoire de la mi-mai lui donnera un nouveau souffle, mais pour l'heure, on ne perçoit pas de lancée dans sa campagne.

Cloutier tout près

Avant la décision de Bernard Drainville de déclarer forfait, Alexandre Cloutier rejoignait presque Pierre Karl Péladeau. Un PQ dirigé par Cloutier aurait eu 28 % des voix, contre 35 % au PLQ. Le député de Lac-Saint-Jean a grimpé de cinq points en deux mois. M. Cloutier est aussi celui qui a fait la meilleure campagne ; il a monté dans l'estime de 21 % de la population. Ainsi, 28 % des péquistes et 27 % des caquistes estiment avoir désormais une meilleure opinion de lui par rapport au début de la course.

Le plein de péquistes

Même s'il a été souvent pris à partie par ses adversaires, seulement 10 % des électeurs péquistes ont une moins bonne opinion de Pierre Karl Péladeau aujourd'hui qu'au lancement de la campagne à la direction. Dans l'ensemble de la population, M. Péladeau a perdu des plumes durant la course selon 38 % des répondants. Mais 60 % des partisans du PQ n'ont pas changé d'opinion à son égard, et 30 % le jugent meilleur en fin de campagne qu'au début. Selon Youri Rivest, M. Péladeau « a réussi à parler aux électeurs péquistes, mais pas aux autres. Or, il devra pouvoir le faire s'il veut prendre le pouvoir ». M. Cloutier, en revanche, pige du côté de Québec solidaire, davantage que Martine Ouellet. « Lui est parvenu à parler à des gens en dehors de la famille péquiste. »

Drainville troisième

Bernard Drainville a annoncé hier qu'il se retirait de la course et appuyait M. Péladeau. Sa lecture de la situation correspond à ce qui est constaté par CROP : il avait clairement glissé au troisième rang, derrière Alexandre Cloutier. Par exemple, avec M. Drainville à la barre, le PQ aurait récolté 24 % des suffrages, le même score que François Legault à la CAQ. Cela aurait permis une victoire sans partage du PLQ avec 36 % des voix.

La meilleure campagne

Même s'il s'est retrouvé souvent dans des controverses, Pierre Karl Péladeau est clairement vu comme le candidat qui a fait la meilleure campagne. Il domine dans l'estime des péquistes : 39 % d'entre eux voient en lui le meilleur « campaigner », contre 16 % pour Bernard Drainville, 13 % pour Alexandre Cloutier et 5 % pour Martine Ouellet. Dans l'ensemble de la population, 18 % des répondants sont aussi d'avis que M. Péladeau a fait la meilleure campagne. Cette fois, Alexandre Cloutier est deuxième avec 15 % et Bernard Drainville troisième avec 11 %. Selon les supporters de Québec solidaire, M. Cloutier a fait la meilleure course - 28 %, contre 17 % à Martine Ouellet.

Le plus souverainiste

Même s'il est resté prudent quant à une échéance référendaire, Pierre Karl Péladeau est perçu comme le plus déterminé à tenir une consultation sur la souveraineté. Ainsi, 50 % des gens pensent qu'il tiendrait un référendum dans un premier mandat péquiste, contre seulement 23 % qui pensent le contraire. Ironiquement, seulement 20 % des répondants croient Martine Ouellet, « qui a la position la plus claire » en ayant fait de la tenue d'un référendum dans le mandat un de ses engagements de campagne.

Méthodologie

La collecte de données en ligne s'est déroulée du 15 au 20 avril 2015 par le biais d'un panel web. Au total, 1 000 questionnaires ont été complétés. Les résultats ont été pondérés afin de refléter la distribution de la population adulte du Québec selon le sexe, l'âge, la région de résidence, la langue maternelle et le niveau de scolarité des répondants.