Le gouvernement libéral s'ingère dans les activités de la Caisse de dépôt au détriment des épargnants, pense l'opposition péquiste.

Le chef intérimaire du Parti québécois, Stéphane Bédard, a exprimé mardi sa «vive inquiétude» à la suite de la décision du gouvernement de confier à la Caisse de dépôt et placement la prise en charge de certains grands projets d'infrastructure.

«Ils avaient promis 15 milliards $ pour les infrastructures, ils sont incapables de livrer et ils se servent de la Caisse sans consulter personne», a dénoncé le leader du PQ, accusant le gouvernement Couillard «d'avoir les deux mains plongées» dans le Caisse et de refiler aux épargnants les risques financiers.

«Les épargnants ont raison d'être inquiets et ne sont pas les seuls, ça va impacter le gouvernement. Si la Caisse ne fait pas de rendement, tout le monde est touché, on le sait maintenant avec le projet de loi 3 (sur le renflouement des régimes de retraite)», a-t-il fait valoir pour illustrer son propos.

La Caisse de dépôt a déjà indiqué qu'elle avait deux projets dans le collimateur: le système léger sur rail (SLR) du futur pont Champlain et le train de banlieue visant à desservir l'ouest de Montréal - une promesse électorale des libéraux. L'institution espère compléter d'ici 2020 ces chantiers évalués à 5 milliards $.

Or, selon le chef péquiste, ces annonces sont prématurées dans le contexte économique actuel et l'évaluation des coûts est suspecte.

«Quelle est l'urgence d'annoncer ces projets-là actuellement? C'est strictement parce que le gouvernement n'a pas de plan économique et tente de compenser avec des infrastructures, a-t-il soutenu. On est rendu dans des projets qu'on évalue «au pif» à 5 milliards $. Pourquoi pas 6, 7 ou 8 milliards? Et on dit que la Caisse va y aller et que ça va être payant? Ça manque de sérieux.»

Pour le député de Chicoutimi, les libéraux ont tellement «loadé» la carte de crédit collective qu'ils en sont réduits à se tourner vers la Caisse de dépôt «pour se surendetter».

«Ça va provoquer un surendettement des Québécois à terme, c'est certain. On est dans le surendettement, c'est une façon, un 'scheme', pour contourner les agences de notation», a-t-il dit.

Des modifications législatives seront requises pour mettre en oeuvre «l'entente commerciale» liant le gouvernement à la Caisse de dépôt, entre autres pour permettre à l'institution d'être l'actionnaire de contrôle des infrastructures sous sa responsabilité.

L'opposition étudiera les propositions en commission parlementaire mais l'affaire ne «passera pas comme une lettre à la poste», a indiqué M. Bédard.

«Il n'y a rien dans ce que j'ai vu, entendu ou lu qui suscite l'enthousiasme. On va prendre ça à tête reposée et avant d'impliquer tous les épargnants du Québec, on va y penser deux fois», a-t-il déclaré.

De son côté, la Coalition avenir Québec (CAQ) entend laisser la chance au grand patron de la Caisse, Michael Sabia, d'expliquer la nouvelle mission du «bas de laine» des Québécois.

La CAQ veut être rassurée sur trois aspects, a souligné le porte-parole du parti en matière de finances, François Bonnardel: le maintien de l'indépendance de la Caisse, le coût pour les contribuables et l'expertise de l'institution financière dans l'exploitation du transport collectif. Sur ce dernier point, M. Bonnardel ne cache pas son scepticisme.

«On a un constructeur mondial (Bombardier) qui fabrique des trains partout et à ma connaissance, si je ne me trompe pas, il n'a pas levé le doigt une fois (pour exploiter le SLR), a noté M. Bonnardel. Si la Caisse me dit qu'un projet comme ça est viable, je veux voir les études.»

Quant à lui, le député solidaire Amir Khadir a salué le rôle accru réservé à la Caisse de dépôt dans l'économie québécoise.

Néanmoins, il souhaite s'assurer que le gouvernement libéral ne tentera pas d'utiliser la Caisse comme paravent au bénéfice d'entrepreneurs «amis», exclus des contrats publics pour cause de corruption ou de collusion.

«On dit oui à la Caisse de dépôt pour autant que ce ne soit pas prétexte pour contourner les règles de transparence et d'éthique, a dit le député de Mercier. Il ne faut pas que ce soit un prétexte pour ramener des PPP où le privé est maître d'oeuvre des projets et de soustraire de leurs obligations les entreprises fautives qui sont 'barrées» par l'Autorité des marchés financiers.»