Attentats à Paris ou pas, le Québec doit avancer dans le débat sur la laïcité, a affirmé lundi le candidat à la direction du Parti québécois Bernard Drainville. La nouvelle mouture de la Charte de la laïcité qu'il présentera jeudi prévoit une «clause grand-père» selon laquelle les travailleurs qui sont déjà employés par l'État ne seront pas soumis à l'interdiction de porter des signes religieux.

L'annonce surviendra à peine une semaine après les attentats de Paris, qui ont fait 20 morts, dont trois terroristes islamistes.

«Il faut avancer, a résumé M. Drainville en entrevue. On ne peut pas s'empêcher d'avancer parce qu'il y a des actes de terrorisme qui sont posés chez nous ou ailleurs dans le monde. Quand on fait cela, ils gagnent. On ne doit pas se faire dicter nos débats et nos choix démocratiques par les extrémistes.»

Quelques jours avant la pause des Fêtes, M. Drainville a promis de dévoiler au début 2015 une version plus «souple», plus «consensuelle» de la Charte de la laïcité qu'il a défendue l'an dernier. Il a fait valoir que, si le gouvernement péquiste minoritaire avait pu mener son projet de loi à terme, il aurait dû en venir à un compromis avec la Coalition avenir Québec.

Selon nos informations, la nouvelle charte prévoira que l'interdiction de porter des signes religieux, la mesure phare de la première version, ne s'appliquera qu'aux futurs employés de l'État. Aucun employé actuel ne serait obligé de s'y conformer.

Cette proposition est susceptible de rallier le rival de M. Drainville dans la course à la direction du PQ, Jean-François Lisée. Celui-ci a révélé cet automne qu'il aurait voté contre la Charte de la laïcité proposée par le gouvernement Marois. La raison: elle ne prévoyait pas de clause pour protéger les droits acquis des fonctionnaires.

M. Drainville dit avoir songé à repousser la présentation de la nouvelle charte à cause des attaques contre l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo et l'épicerie juive Hyper Cacher, mais il y a finalement renoncé.

«Les intégristes, ils n'en veulent pas, de la laïcité, a-t-il dit. De repousser un débat comme celui-là et de s'empêcher d'en discuter parce qu'il y a des attentats, c'est comme si on reculait devant eux. Et moi, je refuse de céder un pouce à ces gens-là.»

Le gouvernement libéral a promis de déposer un projet de loi pour affirmer la neutralité de l'État, garantir les services publics à visage découvert et baliser les accommodements religieux. Le premier ministre Philippe Couillard a toutefois affirmé que le contexte n'était pas favorable à un tel débat, l'automne dernier, dans la foulée des attaques terroristes contre des militaires à Saint-Jean-sur-Richelieu et à Ottawa.

Bernard Drainville estime au contraire que le fruit est mûr. D'autant plus, dit-il, que le Québec a débattu de long en large la question des accommodements religieux dans la foulée de la commission Bouchard-Taylor et des échanges sur la Charte de la laïcité.

Il présente une charte faisant de la laïcité de l'État un «rempart» contre les intégristes religieux qui, à ses yeux, ne croient pas à l'égalité entre les hommes et les femmes.

Il a par ailleurs distingué la lutte contre le terrorisme, qui relève de la police et des services de renseignement, de la lutte contre l'intégrisme religieux, qui requiert à ses yeux une affirmation claire de la neutralité de l'État.