Pierre-Karl Péladeau a nié mercredi s'être placé en situation de conflit d'intérêts lorsqu'il a dénoncé la baisse des crédits d'impôt aux entreprises cinématographiques et télévisuelles. Il soutient avoir agi dans « l'intérêt général » des Québécois et non dans celui de son entreprise, Québecor.

« Quand vous agissez dans l'intérêt général, il n'y a pas de conflit d'intérêts », a-t-il résumé en après-midi.

Le député de Saint-Jérôme a de nouveau monopolisé l'attention à l'Assemblée nationale, après qu'il fut révélé qu'il a dénoncé deux fois la décision du gouvernement Couillard de sabrer de 20% le crédit d'impôt pour la production cinématographique ou télévisuelle.

M. Péladeau a d'abord apostrophé le ministre Jean-Denis Girard en juin lors de l'étude de crédits du ministère de l'Économie, de l'Innovation et de l'Exportation. Il est revenu à la charge la semaine dernière sur sa page Facebook.

Or, la direction de Québecor a déjà affirmé que l'entreprise « bénéficie indirectement » de ce crédit d'impôt. Des producteurs indépendants le réclament pour produire des émissions diffusées sur ses chaînes télévisées.

Cette nouvelle controverse survient trois semaines après que La Presse eut révélé que M. Péladeau a demandé à Québec d'intervenir pour que la propriété du Studio Mel's demeure québécoise. Lors de cette intervention en commission parlementaire, il n'a pas précisé que Québecor, dont il est l'actionnaire de contrôle, était la seule firme québécoise dans la course.

Tant cette intervention que celle sur les crédits d'impôt étaient motivées par l'intérêt général de la population du Québec, a dit M. Péladeau. Le fait que son entreprise ait eu un intérêt dans ces dossiers n'y change rien, a-t-il soutenu.

« Bientôt, je ne pourrai pas parler d'éducation parce qu'on va m'accuser d'avoir des enfants, a-t-il illustré en après-midi. Je vais toujours être en conflit d'intérêts. C'est ridicule, ce que disent les députés de la CAQ et du PLQ. »

Le chef par intérim du Parti québécois, Stéphane Bédard, s'est joint à la contre-attaque en accusant les journalistes d'être « obnubilés » par le cas de M. Péladeau.

« Il y a quand même des choix gouvernementaux qui sont importants, a déclaré M. Bédard. Je pense sincèrement que le gouvernement et la CAQ se servent de se débat-là pour faire de la diversion et ne pas parler, comme on dit, des 'vraies affaires'. »

Legault dénonce la « loi du silence »

Mais le chef de la Coalition avenir Québec, François Legault, n'en démord pas.

« M. Péladeau ne semble pas comprendre qu'il ne peut pas intervenir en politique quand ses intérêts, ou les intérêts de ses entreprises, sont en jeu, a-t-il dit. Il me semble que c'est l'évidence. »

Le chef caquiste a dénoncé la « loi du silence » au Parti québécois.

« Ni le chef ni les prétendants, les candidats à la chefferie, ne sont intervenus pour dénoncer les façons de faire de M. Péladeau. »

En matinée, le leader parlementaire du gouvernement libéral, Jean-Marc Fournier, a rappelé que c'est la deuxième fois que M. Péladeau se place dans l'embarras.

« À la première occasion, le Parti québécois nous a dit que c'est une erreur, a ironisé M. Fournier. À la deuxième, c'est quoi ? C'est encore une erreur ? Ça va prendre combien d'erreurs pour démontrer qu'il y a un problème. »

M. Fournier a convoqué les leaders parlementaires de tous les partis mercredi après-midi pour faire le point sur la fameuse « motion Péladeau ». Le gouvernement libéral avait tenté de confier le cas du député au Conseil de presse, mais celui-ci a refusé l'invitation.

Enquête

Le commissaire à l'éthique, Jacques Saint-Laurent, enquête déjà sur les agissements de M. Péladeau dans le dossier Vision Globale. Il n'a pas fermé la porte à une seconde enquête sur le dossier des crédits d'impôt, mais il souhaite d'abord conclure la première.

« Le sujet qui sera traité dans l'enquête (sur Vision Globale) porte sur les mêmes articles du code d'éthique, a noté M. Saint-Laurent. Voyons quelle sera l'interprétation, la position retenue et, après, ça pourra nous éclairer sur les choses, les actions à prendre pour d'autres dossiers. »

- Avec la collaboration de Tommy Chouinard