Alors que le gouvernement du Québec entreprend une vaste opération d'austérité budgétaire pour équilibrer les finances publiques, l'enveloppe consacrée à la solidarité internationale ne serait pas épargnée et pourrait être amputée d'environ 10 %, selon ce qu'a appris La Presse.

« Nous sommes très préoccupés. Nous avons appris cette information entre les branches, que ces coupes toucheraient tous les programmes, même les plus petits. Réduire cette enveloppe, c'est pratiquement faire disparaître l'aide à la solidarité internationale au Québec », a affirmé Denis Labelle, président de l'Association québécoise des organismes de coopération internationale (AQOCI). 

Son groupe, qui rassemble 67 organismes de coopération internationale dans la province, est le premier partenaire du ministère des Relations internationales (MRI) pour les programmes d'éducation à la coopération, pour le financement de l'aide humanitaire non urgente et pour les projets de bénévolat à l'étranger, comme Québec sans frontière - qui envoie chaque année des jeunes dans les pays en voie de développement.

Ces jours-ci, M. Labelle se prépare à se battre « bec et ongles » pour convaincre la ministre Christine St-Pierre de ne pas toucher à cette enveloppe d'environ 3 millions de dollars, « qui ne représente même pas 1 % du budget du Québec », précise-t-il. 

« Il y a une limite à couper, car nous pouvons réaliser beaucoup avec peu, mais nous ne pouvons pas faire de miracles. [...] En réduisant le budget, c'est passer du minimum à la destruction. »

Au cabinet de la ministre St-Pierre, on se borne à expliquer que toutes les options sont à l'étude et que le gouvernement ne commente pas des hypothèses.

Ce ne serait pas la première fois que des mesures d'austérité frappent la solidarité internationale. Pendant l'hiver 2013, lorsque le Parti québécois était au pouvoir, près de 400 000 $ ont été retranchés au programme Québec sans frontière. Pour le Carrefour de solidarité internationale, situé à Sherbrooke, les conséquences se sont rapidement fait sentir. 

« Quand on coupe dans l'enveloppe destinée à la solidarité internationale, on envoie moins de jeunes dans les pays où nous avons des partenaires, c'est certain. Nous recevons aussi présentement 30 000 $ annuellement pour des initiatives d'éducation au Québec. Diminuer cette subvention aurait un impact ici », explique le directeur général Marco Labrie. 

Son organisme soutient aussi des missions au Mali et au Pérou, entre autres, grâce au Programme québécois de développement international (PQDI), une aide très précieuse depuis que le gouvernement fédéral a cessé de financer les organismes à but non lucratif oeuvrant en coopération internationale, en 2012. Le retrait d'Ottawa a amputé son budget annuel de 660 000 $. 

« Le PQDI, financé par les profits des casinos, est essentiel, soutient son collègue de l'AQOCI, Denis Labelle. Il n'y a déjà que le quart des projets soumis qui reçoivent du financement. » 

Quelle place pour le Québec à l'étranger?

Avec la cure d'austérité imposée par le gouvernement, les acteurs qui travaillent dans les domaines de la solidarité internationale et de la diplomatie sont inquiets, explique François Audet, expert des questions d'aide humanitaire et professeur à l'Université du Québec à Montréal.

L'hypothèse voulant que le ministère des Relations internationales soit transformé en secrétariat est aussi « profondément troublante », a-t-il affirmé à La Presse.

« Ce serait dommage que le Québec retourne ainsi 50 ans en arrière. Alors que le Canada se désengage sur la scène internationale, voilà une fenêtre d'opportunité politique pour faire encore plus de gains. Pour l'instant, j'ai l'impression qu'il y a une profonde méconnaissance des enjeux », dit l'expert. 

Selon lui, la diminution des enveloppes destinées à la solidarité internationale serait une mesure symbolique. « Ce sont des montants tout à fait insignifiants pour le budget du Québec. Qu'est-ce qu'on sauverait, quelques milliers de dollars tout au plus ? »