La ministre de la Sécurité publique, Lise Thériault, a fait marche arrière, mardi, après avoir affirmé qu'une décision sur les conditions de détention de trois détenus, qui se sont évadés en hélicoptère, était publique.

Lors d'un point de presse, Mme Thériault a plaidé que le document est frappé d'un interdit de publication qui empêche d'en dévoiler le contenu.

La ministre s'est du même souffle défendue d'avoir enfreint cette ordonnance, lundi, dans ses réponses aux questions des journalistes.

«Je n'ai pas brisé l'ordonnance de non-publication, a-t-elle dit. Et vous comprendrez que toutes les questions que vous me poserez concernant le jugement, les conditions, les prisonniers, elles n'auront aucune (réponse) de ma part.»

Lundi, Mme Thériault avait pourtant évoqué le caractère public des décisions du magistrat impliqué dans le dossier.

«C'est public, c'est un juge mais je ne suis pas la juge, avait-elle dit. Vous comprendrez qu'à la Sécurité publique il y a beaucoup de choses. Moi ce que je vous dis c'est que ces requêtes ont été présentées par les détenus pour avoir des assouplissements.»

Samedi, Denis Lefebvre, Serge Pomerleau et Yves Denis, des accusés en attente d'un procès pour meurtre, se sont évadés en hélicoptère d'une prison de Québec, après avoir bénéficié d'un assouplissement de leurs conditions de détention, dont un retrait des menottes. Les trois hommes subissaient à Québec un procès pour trafic de stupéfiant, sous le coup d'un interdit de publication.

Au lendemain d'une journée où Mme Thériault et son cabinet ont enchaîné les déclarations contradictoires, la ministre est revenue une nouvelle fois, mardi, sur des propos qu'elle a tenus lundi.

Après avoir affirmé que la décision sur le changement de classification de sécurité des trois détenus avait été rendue vendredi, la ministre a plutôt pointé vers le mois de mars, sans justifier cette erreur.

«Vous allez me permettre de ne pas commenter, a-t-elle dit. Vous allez directement sur ce qui tombe sous l'ordonnance de non-publication. Je ne répondrai pas à votre question.»

Lundi, Mme Thériault avait déclaré qu'un plan avait été élaboré après une première évasion en hélicoptère, il y a 15 mois, mais qu'il restait encore à mettre en place.

Mardi, la ministre a affirmé que «rien» n'avait été fait par le précédent gouvernement péquiste dans ce dossier, ce qu'elle a nuancé une fois confrontée à ses propos de la veille.

«Quand je vous ai parlé du plan d'hier, c'était les discussions avec les différents centres correctionnels, donc nos établissements, pour savoir où sont les détenus qui sont à risque parce que c'est important à savoir aussi», a-t-elle dit.

Lundi, Mme Thériault avait accrédité la thèse que des câbles et filets avaient été achetés après une première évasion dans une prison de Saint-Jérôme, pour ensuite revenir sur ses propos.

Dans son point de presse, mardi, Mme Thériault a annoncé que le ministère de la Sécurité publique identifiera certains centres de détention où seront installés des équipements qui empêcheront l'atterrissage d'hélicoptères.

Entre-temps, la ministre a convenu de mesures temporaires avec les autorités fédérales, afin de d'interdire la circulation aérienne au-dessus de certains établissements de détention, ce qui sera mis en place «graduellement».

«Ce qu'on veut, c'est de s'assurer d'avoir des mesures qui sont temporaires, le temps qu'on puisse installer la balance des équipements qui empêcheraient des hélicoptères d'atterrir, et ça, c'est un peu plus compliqué qu'on pense, a-t-elle dit. C'est sûr qu'il y a des grandes cours, il y a des secteurs, donc il faut identifier parce que ce n'est pas n'importe qui qui va s'évader en hélicoptère, ça demande des moyens financiers qui sont assez considérables.»

Alors que les péquistes soutenaient mardi que Mme Thériault contrôle mal son dossier, la ministre a plutôt accusé ses adversaires de l'avoir induite en erreur en prétendant que des câbles et filets avaient été achetés.

«La confusion qu'il y a eue (lundi), je vous ferais remarquer que c'est les gens du Parti québécois qui véhiculaient l'information comme quoi que l'équipement avait été acheté et entreposé, alors qu'il n'y a aucun équipement qui a été acheté ni entreposé. C'est de l'information qui est totalement fausse.»

En Chambre, le chef péquiste intérimaire Stéphane Bédard a cité un article de La Presse et du Soleil rapportant que la Sûreté du Québec savait, depuis mars, que les trois détenus présentaient un haut risque d'évasion.

«La police prévoyait même qu'un hélicoptère serait utilisé et se doutait même du nom du pilote, a-t-il dit. Pour ces raisons, les trois individus avaient la plus haute cote de sécurité, soit S5, ce qui faisait en sorte qu'ils ne pouvaient sortir à l'extérieur qu'à condition de ne pas être seuls et qu'avec les poings et les mains liés, ce qui aurait effectivement empêché leur évasion.»

M. Bédard a réclamé en vain plus de détails sur les procédures qui ont mené à un assouplissement des conditions des trois détenus, en faisant valoir que l'ordonnance de non-publication ne s'applique plus.

«Les conditions de détention n'ont rien à voir avec la finalité du procès quant à la culpabilité des individus, a-t-il dit. L'ordonnance de non-publication vise les conditions d'incarcération de ces gens pour justement éviter leur évasion. Or, ils sont évadés, donc vous comprendrez que ça n'a plus beaucoup d'impact sur la sécurité de ces gens-là en prison.»

Devant son insistance, Mme Thériault s'est réfugiée derrière l'ordonnance du tribunal pour esquiver les attaques.

«Je ne confirmerai rien et je n'infirmerai absolument rien, a-t-elle dit. Tout ce qui entoure les trois fugitifs, c'est lié directement au procès qui est en cause.»

Le chef caquiste François Legault a pour sa part réclamé une enquête interne dont les résultats seront présentés en commission parlementaire.

«Il y a eu un manquement grave qui nous mène à un événement puis à une situation où trois présumés meurtriers se promènent en toute liberté au Québec, a-t-il dit. Je pense que les Québécois ont le droit de savoir pourquoi ça n'a pas été corrigé suite à l'évasion de Saint-Jérôme il y a 15 mois.»