Emportés par la débâcle historique du Parti québécois, deux jeunes candidats-vedettes, Léo Bureau-Blouin et Alexis Deschênes, soutiennent que leur formation ne peut plus continuer d'entretenir le flou sur son option souverainiste. Un message qui alimentera les discussions à l'occasion d'une rencontre des candidats péquistes élus et défaits aujourd'hui, à Québec.

Les 30 députés du PQ tiennent par la suite un caucus pour désigner un chef intérimaire à la suite du départ de Pauline Marois, battue dans sa circonscription. Stéphane Bédard, François Gendron et Agnès Maltais sont sur les rangs. Mme Marois réunit également ses ministres, alors que les modalités de la passation des pouvoirs se discutent avec les libéraux de Philippe Couillard.

Sur son blogue hier, Jean-François Lisée a écrit que le «ressac anti-référendaire» explique la «raclée électorale» de lundi. «L'éléphant est bien visible dans la pièce: une partie significative de l'électorat francophone est réfractaire à l'hypothèse référendaire», affirme-t-il.

Alexis Deschênes, candidat défait dans Trois-Rivières et ancien journaliste, se dit globalement d'accord avec cette analyse. «L'effet Pierre Karl Péladeau est évident. Quand il est entré en scène, ça a créé un ressac. Sur le terrain, les gens me disaient: «Je ne veux pas de référendum.»»

Alexis Deschênes ne blâme absolument pas Pierre Karl Péladeau, d'autant moins qu'il a lui-même, en se présentant, dit son désir de voir le Québec devenir souverain.

D'ailleurs, enchaîne-t-il, quand il a vu que sa propre profession de foi souverainiste faisait la manchette - ce qui lui apparaissait à lui comme une non-nouvelle -, il a compris qu'il y avait un problème, que pour le plus grand nombre, l'adéquation entre le parti pris pour la souveraineté et le PQ n'allait plus de soi.

Loin de penser que le PQ devrait taire ou enterrer son rêve, Alexis Deschênes croit que l'ambiguïté a été la pire des choses. Il faut maintenant, à son avis, «faire campagne sur le terrain pour faire la promotion de l'indépendance, il faut aller voir les indécis, les fédéralistes [...], les jeunes».

Le plus jeune député de la dernière législature, Léo Bureau-Blouin, a affirmé que le PQ devra dire clairement aux prochaines élections s'il s'engage ou non à tenir un référendum. «Les gens veulent des leaders, avec un plan de match clair et défini. On ne peut pas toujours entretenir le flou [sur la question nationale]. Il va falloir y réfléchir», a-t-il avancé. Lui-même précise ne pas avoir personnellement tranché à ce sujet.

Pauline Marois demandait aux électeurs de voter pour «un bon gouvernement» et a choisi durant la campagne de parler très peu de souveraineté.

Selon le sondage Léger publié à deux jours du vote, les 18-44 ans étaient peu attirés par le PQ. Le parti souverainiste était leur troisième choix, derrière les libéraux et les caquistes.

Le projet souverainiste réussit-il à attirer les jeunes? Pas assez, croit M. Bureau-Blouin. «Quand les jeunes entendent parler de souveraineté, c'est souvent de la part des adversaires. Ils n'ont pas vécu personnellement, comme adultes, les épisodes de 1980 et de 1995. Ils n'entendent qu'un message négatif. On leur répète que ce sont des vieilles chicanes.»

Avec la défaite de Léo Bureau-Blouin, le plus jeune député péquiste est maintenant Mathieu Traversy. Le député de Terrebonne aura 30 ans en mai. Selon lui, le PQ devra faire «une réflexion sérieuse pour comprendre ce qui s'est passé et ce qu'il faudra faire pour la suite». «Les jeunes devront prendre leur place au parti, c'est certain», a-t-il affirmé.

Âgé de 30 ans, le député de Saint-Jean et membre de l'exécutif national du PQ, Dave Turcotte, nuance la thèse du ressac anti-référendaire. «Personne ne m'a dit dans ma circonscription que notre position sur le référendum n'était pas claire. Je n'ai pas entendu ça du tout sur le terrain, la peur du référendum. C'était clair que le Parti québécois est un parti souverainiste et que l'enjeu de l'élection n'était pas le référendum», a plaidé M. Turcotte, qui a perdu tous ses collègues voisins de circonscription lundi soir.

L'intérim

Stéphane Bédard convoite le poste de chef intérimaire. Il se serait activé au téléphone dans les dernières heures. L'ex-leader parlementaire est un proche de Pauline Marois, qui aurait déjà manifesté son appui. Mais l'autorité morale de l'ex-chef n'est plus grande. Sylvain Gaudreault a confirmé être sympathique à la candidature. D'autres anciens ministres se rangent derrière lui.

Mais à l'interne, d'autres sont craintifs. Le chef intérimaire doit rester neutre dans la course à la direction du parti. Or, le frère de M. Bédard, Éric, est l'avocat et proche conseiller de Pierre Karl Péladeau. Selon une source, ils sont même arrivés ensemble à la soirée électorale du PQ lundi. Un autre proche conseiller de M. Péladeau, Martin Tremblay, a déjà travaillé avec la famille Bédard.

De son côté, François Gendron a déjà occupé la fonction de chef intérimaire après la démission d'André Boisclair en 2007. Selon lui, «beaucoup de gens» lui ont téléphoné pour qu'il prenne à nouveau la barre. «Mon expérience et mon historique au sein du parti me dictent que je vais devoir considérer ça sérieusement», a dit, prudent, le doyen de l'Assemblée nationale.

Photo Émilie O'Connor, Archives Le Nouvelliste

Alexis Deschênes