Le gouvernement Marois confirmera dans les prochains jours qu'il ne pourra atteindre le déficit zéro cette année comme prévu. L'annonce est attendue, la marge d'erreur l'était moins: le déficit de 2013-2014 sera de 2,5 milliards, a appris La Presse.

Du même coup, tout le plan budgétaire mis sur la table il y a quatre ans par le ministre Raymond Bachand se trouve chambardé. Avec un déficit de 2,5 milliards pour l'année en cours, il devient impossible de revenir à l'équilibre l'année suivante. Le retour au déficit zéro sera repoussé de deux ans, à 2015-2016 - la même année où Ottawa prévoit remettre en équilibre ses finances publiques. Pour l'année prochaine, 2014-2015, Québec devra accepter d'écrire un autre budget à l'encre rouge, avec un déficit de 1,75 milliard.

Dans les prochains jours, à la fin de cette semaine ou au début de la suivante, le ministre des Finances Nicolas Marceau dévoilera la synthèse des opérations financières où, pour la première fois cette année, le ministère des Finances confirmera un déficit pour 2013-2014. Jusqu'ici, des données mensuelles du Ministère montraient que le gouvernement était en retard de 2,3 milliards sur ses prévisions à la fin de juillet dernier. On n'avait toutefois jamais admis que ce manque à gagner, après quatre mois dans l'année financière, se transformerait en déficit.

L'épargne puis l'inflation

Depuis des mois, l'attitude du gouvernement Marois se limitait à un déni, passablement nuancé au cours des dernières semaines. Quand La Presse a rapporté, au printemps, que Mme Marois avait sondé une brochette de gens d'affaires de Montréal sur un éventuel abandon du déficit zéro, le ministre Marceau avait nié avec énergie que cela fasse partie des plans du gouvernement. Le déficit zéro était «incontournable», martelait-il à l'époque. Même certitude au début du mois de septembre, quand on avait révélé que la cible de l'équilibre était désormais en péril. Le responsable des finances publiques avait d'abord affirmé que les dépenses moins élevées que prévu étaient causées par un niveau d'épargne imprévu chez les consommateurs.

Plus récemment, il expliquait que l'inflation plus faible que prévu avait forcé le gouvernement à revoir ses attentes au sujet des recettes - la taxe de vente s'applique en effet sur les prix, donc s'ils sont moins élevés que prévu à cause d'une inflation diminuée, les rentrées d'argent sont réduites d'autant.

Il y a quelques jours, au conseil national du Parti québécois (PQ), le ministre Marceau paraissait avoir baissé les bras: «L'inflation au Québec est vraiment anémique. Ça fait en sorte que nos revenus de taxe de vente, nos revenus à l'impôt des sociétés, ça, c'est vraiment moins bon. Il y a un enjeu là. Un gros enjeu», avait-il laissé tomber.

Stagnation des revenus

La dernière mise à jour mensuelle des Finances révélait que les revenus autonomes (essentiellement les taxes et impôts des particuliers et entreprises) ont augmenté de seulement 0,6% cette année, alors que le ministre Marceau, dans le budget de novembre 2012, avait misé sur une hausse des revenus de 5,2%. L'inflation et la croissance économique anémique expliquent cette faible rentrée d'argent.

Il faut s'attendre à ce que l'opposition, à l'Assemblée nationale, martèle que le gouvernement péquiste est le premier responsable de la faiblesse de la croissance économique.

Mais leurs attaques seront un peu émoussées par les déclarations étonnantes de Philippe Couillard la semaine dernière. Plongeant ses troupes dans l'embarras, le chef libéral a soutenu que le déficit était prévisible cette année et qu'il faudrait encore quelques années pour atteindre l'équilibre. En Chambre, jour après jour, l'opposition libérale martelait que le retour au déficit était inacceptable. Or, il semblait subitement incontournable pour leur chef: «Dans l'année en cours, je pense que ce n'est pas réaliste. Avec 2,3 milliards de déficit, personne ne s'attend à ce qu'on puisse équilibrer le budget pour l'année», a dit M. Couillard.

Pour l'année prochaine, on doit s'approcher le plus possible de l'équilibre et avoir un plan pour les deux ou trois années suivantes qui nous mène vers un équilibre solide, a conclu le chef libéral.

Dans l'annonce du ministre Marceau, on verra que, sur le plan des dépenses, Québec restera grosso modo sur ses cibles. Surtout, il ne passera pas le chapeau dans les ministères pour exiger plus d'austérité - Mme Marois s'était déjà engagée à ce que la ronde des compressions du printemps, touchant notamment l'aide sociale, soit la dernière cette année. La croissance des dépenses pour l'année en cours sera d'environ 2,6% - en chiffres réels. La cible était de 1,9%, mais comme les dépenses de l'an dernier étaient moins élevées que prévu - 1,2% plutôt que la cible de 1,9% -, Québec atteint son objectif de dépenses en dollars.

Au dernier conseil national du PQ, Pauline Marois avait pavé la voie à un retour au déficit. «Idéalement, [l'objectif] serait de garder le cap sur le déficit zéro, mais on ne veut pas mettre à mal notre économie pour y arriver, en appliquant, par exemple, des compressions budgétaires.»

«On ne veut pas avoir de lunettes roses et dire qu'on va rattraper l'écart dans les prochains mois. Je pense qu'il faut être réalistes. Ce qu'on dit aux Québécois tout de suite, c'est que nous, on va maintenir nos cibles de dépenses et qu'on va prendre des mesures pour stimuler les revenus», avait prévenu, lors de la même réunion, le président du Conseil du Trésor, Stéphane Bédard.