En réaction à la nomination par le gouvernement, jeudi, de quatre nouvelles membres au Conseil du statut de la femme qui se sont tous prononcées en faveur de la Charte des valeurs québécoises, la présidente dudit conseil a dénoncé «un accroc sérieux à l'indépendance de l'organisme».

Quatre nouvelles femmes ont été nommées, jeudi, membres du Conseil du statut de la femme. Or ces femmes, qui viennent d'horizons divers, ont un point en commun: elles se sont toutes prononcées en faveur de la laïcité de l'État. 

Ce geste a provoqué une cinglante sortie de la part de la présidente du Conseil, Julie Miville-Dechêne. Jeudi soir, dans la foulée d'une entrevue télévisée, était publié un communiqué de l'organisme indiquant que Mme Miville-Dechêne dénonçait «un accroc sérieux à l'indépendance de l'organisme qu'elle dirige».

«Je considère qu'il est de mon devoir, à titre de présidente, de prendre la défense d'un organisme de recherche ayant à coeur les intérêts de toutes les Québécoises, peu importe leur origine, et ce, dans un contexte non partisan», a-t-elle rappelé. 

La présidente a laissé entendre qu'il y a eu intervention du gouvernement afin qu'aucune critique ne puisse émaner du Conseil du statut de la femme au sujet du projet de Charte des valeurs québécoises. Elle n'a pas précisé la provenance exacte de cette ingérence.

«Jusqu'à jeudi, la moitié de l'Assemblée des membres du Conseil appuyait l'idée de lancer une recherche pour évaluer l'impact, sur les femmes, de l'interdiction des signes religieux dans la fonction publique québécoise. Or, le Conseil des ministres vient de nommer quatre nouvelles membres, quatre femmes en faveur du projet de la Charte, une semaine avant la tenue de l'Assemblée qui devait se pencher sur ce sujet», a-t-elle déploré.

La ministre de la Condition féminine, Agnès Maltais, n'était pas disposée à réagir au sujet de la sortie de Mme Miville-Dechêne, jeudi soir. Son attachée a cependant indiqué qu'elle ferait une déclaration vendredi.

Mme Miville-Dechêne n'a pas rappelé La Presse. 

Quatre nominations

Les quatre nouvelles femmes nommées au Conseil sont Julie Latour, ancienne bâtonnière du Québec, Leila Lesbet, militante de la laïcité, Ann Longchamps, présidente de l'AFEAS et Lucie Martineau, présidente du Syndicat de la fonction publique du Québec. Elles ont toutes fait des déclarations sans équivoque, dont certaines toutes récentes, en faveur de la laïcité ou même de la Charte des valeurs du gouvernement.

«Ça n'a pas été un critère de choix, a plaidé, plus tôt jeudi, Mme Maltais. Mais ces quatre femmes-là sont effectivement en appui à la position du Conseil du statut de la femme, adoptée en 2011.» Le gouvernement a suivi le processus habituel de consultation des partenaires pour ces nominations, a-t-elle fait valoir.

Le mouvement féministe est divisé sur la question de la laïcité, et implicitement, sur celle du foulard islamique. «Le mouvement féministe est peut-être divisé, mais le Conseil, lui, est très clair», a dit Mme Maltais.

«Ce n'est pas sain»

Dans les rangs de l'opposition, la sortie de la présidente du CSF a fait réagir.

«Le Conseil du statut de la femme n'est pas un organisme qui doit être le pantin du gouvernement, il a été créé pour le conseiller, émettre des avis et faire des recherches. S'il perd son indépendance, ce n'est pas sain», a averti la libérale Christine St-Pierre, ancienne ministre de la Condition féminine, qui a sollicité l'avis du CSF à plusieurs reprises au cours de son mandat. «C'est un pavé dans la mare du PQ.»

Photo Normand Blouin, CSF

Julie Miville-Dechêne