La Sûreté du Québec (SQ) a entrepris des «vérifications» internes sur les circonstances entourant l'octroi d'un de ses contrats au géant de l'informatique CGI, a appris La Presse.

La SQ se demande s'il y a un lien entre ce contrat et l'embauche par CGI, sitôt après sa retraite, de Mario Rancourt, ex-inspecteur-chef responsable des technologies de l'information.

À la SQ, on confirme que des «vérifications ont été entreprises à l'interne, sitôt [que nous avons été] informés de soupçons d'irrégularités dans le processus d'appel d'offres», déclare le lieutenant Guy Lapointe, porte-parole de la SQ.

Selon nos informations, le service que dirigeait Mario Rancourt avait activement travaillé sur le dossier lié à cet appel d'offres lorsqu'il était en fonction rue Parthenais.

Lorsqu'il a raccroché son uniforme de policier, en septembre 2012, Mario Rancourt a rejoint le même mois CGI comme consultant. Son champ d'activité, selon son profil LinkedIn: «Conseil et stratégies dans le domaine de la sécurité publique.» Son contrat a pris fin au mois de mars 2013. Ce serait à cette époque qu'une lumière rouge s'est allumée à la SQ.

Lorsque M. Rancourt était employé par la firme, CGI a soumissionné un contrat concernant un système informatisé du renseignement de sécurité de la SQ. Elle l'a obtenu en janvier dernier à l'ouverture des soumissions. Le montant n'est pas dévoilé. Dans les faits, le processus est stoppé et le contrat, mis de côté en raison des vérifications menées par la SQ.

CGI nie toute implication de Mario Rancourt. «Son contrat a pris fin car il avait complété son mandat», précise le directeur des communications de CGI, Sébastien Barangé. «Il n'a pas travaillé sur des appels d'offres. Nous l'avons embauché à cause de son expertise dans la foulée de l'acquisition d'une firme européenne (LOGICA) qui oeuvre aussi en sécurité publique afin de nous aider à développer notre offre globale dans ce secteur ici et en Europe», explique M. Barangé.

La firme informatique dit être au courant des procédures enclenchées par la police. «Nous allons attendre les résultats de cet audit», ajoute M. Barangé.

Mario Rancourt n'a pas rappelé La Presse.

Radars photo

Selon nos informations, le service de Mario Rancourt avait aussi travaillé sur deux dossiers de radars photo lorsqu'il était directeur des ressources informationnelles de la SQ.

CGI est la seule firme soumissionnaire pour le contrat du ministère des Transports du Québec (MTQ) pour l'implantation de 37 nouveaux radars photo fixes et mobiles dans tout le Québec. L'appel d'offres a été lancé le 6 mars 2013, à la suite d'un avis d'intention publié en janvier. Même si le projet est placé sous la houlette du MTQ, la SQ est impliquée puisque c'est elle qui héberge et gère le traitement de la preuve. Le montant du contrat ne sera dévoilé qu'à l'attribution du contrat.

L'appel d'offres est clos depuis le 21 mai. Mais CGI n'a toujours pas le contrat. Le dossier est «en cours d'analyse» par le Centre des services partagés du Québec, indique Sarah Bensadoun, porte-parole au MTQ.

CGI avait déjà raflé le contrat d'implantation de la première vague de radars photo en tant que «maître d'oeuvre et intégrateur» en 2008.

Conflit d'intérêts?

La SQ veut aussi savoir si Mario Rancourt s'est placé en position de conflit d'intérêts en étant employé par un fournisseur. Il semble qu'aucune clause dans le code d'éthique de la SQ, centré sur la fonction de policier, ne prévoit ce cas de figure. Il s'agirait d'une première dans cette organisation.

Toutefois, le code d'éthique de la fonction publique québécoise stipule qu'un «ancien fonctionnaire doit éviter de «changer de camp». [...] Cette obligation est d'une durée illimitée».

«Chez CGI, nous n'avons jamais pensé qu'il y aurait un problème de conflit d'intérêts puisque M. Rancourt n'avait pas été embauché en lien avec des contrats», dit son porte-parole, Sébastien Barangé.

Dans son dernier rapport, le vérificateur général du Québec a écorché le processus d'octroi et les dérapages dans les contrats informatiques de l'État québécois.

Autre constat du vérificateur, les deux tiers des contrats ont été empochés par trois firmes, dont CGI.

La SQ traverse de son côté une période difficile. D'ex-hauts dirigeants, y compris l'ex-grand patron Richard Deschesnes, sont visés par une enquête ministérielle concernant des dépenses abusives et des malversations potentielles. L'un d'eux devenu consultant, Denis Despelteau, ex-DG adjoint, a même été arrêté et accusé récemment. L'affaire a provoqué depuis un grand remue-ménage et plusieurs coups de balai dans la hiérarchie chapeautée désormais par Mario Laprise.

- Avec la collaboration de Serge Laplante