Chaque semaine, Nathalie Collard rencontre un acteur de l'actualité et lui pose 10 questions en lien avec la couverture médiatique dont il a été l'objet. La 11e question vient du public. Cette semaine, notre journaliste rencontre Nicolas Marceau, nouveau ministre des Finances du Québec.

1. Comment avez-vous trouvé la semaine qui s'achève?

Fort intéressante et très, très différente de celles que j'ai vécues comme député de l'opposition. Quand on est dans l'opposition, les projecteurs sont très difficiles à attirer sur nous. Quand on est au gouvernement, la moindre parole, le moindre geste et ils se tournent vers nous. Cela dit, j'ai été trois ans dans l'opposition, j'ai bien vu comment ça se passait. Mais le vivre, c'est tout de même différent.

2. Est-ce que vous pensez que les gens sont en colère contre la mesure que vous avez annoncée (hausse des impôts des plus riches) ou l'avez-vous mal communiquée?

Comme je vous le disais plus tôt, c'est difficile d'attirer les projecteurs sur nous quand on est dans l'opposition. Or, c'est une mesure que nous avions annoncée dès février dernier. On l'a répétée en campagne électorale et on a fait tous les efforts pédagogiques que nous croyions suffisants pour l'expliquer. Maintenant, on va faire le plus de pédagogie possible dans les prochains jours et les prochaines semaines. Quant au bien-fondé de la mesure, il n'y a aucun doute dans mon esprit, elle est bonne pour les Québécois.

3. On vous attaque beaucoup sur votre inexpérience et on vous reproche d'improviser. Qu'en dites-vous?

On a annoncé trois choses depuis notre arrivée: Gentilly, les droits de scolarité et la taxe santé. Notre position sur Gentilly date de décembre 2009, celle sur les droits de scolarité date du congrès d'avril 2011. Quant à notre position sur la taxe santé, elle date de février 2012. Ce n'est pas de l'improvisation, on tient parole! Ce sont des choses sur lesquelles on s'est engagés clairement et fermement et là, on se retrouve dans un monde où les gens nous reprochent de donner suite à nos engagements...

4. Si c'était à refaire, que feriez-vous différemment?

Je suis quelqu'un qui a une capacité d'autocritique importante, mais je pense qu'on a fait les choses correctement. Mardi, j'ai voulu expliquer notre position au meilleur de mes capacités. Je pense qu'on a dit clairement notre ouverture à des changements dans les moyens d'y arriver, mais qu'on a également été clairs sur la fermeté de nos intentions et l'atteinte de nos objectifs et je vais continuer dans cette voie.

5. Parmi les nombreux aspects que les gens ne digèrent vraiment pas, il y a le principe de rétroactivité. Comment défendre une telle mesure? Ne voyez-vous pas là de la déloyauté envers les électeurs?

On a annoncé nos intentions d'abolir la taxe santé pour la prochaine déclaration de revenus en campagne électorale, et nous nous sommes engagés à mettre cela en oeuvre dans les 100 premiers jours. Il y aurait déloyauté si on n'arrivait pas à mettre en oeuvre la mesure que nous avions annoncée. Pour les modalités - et la rétroactivité en fait partie -, on va trouver le moyen d'y arriver de la façon la plus intelligente et la plus raisonnable possible.

6. Plusieurs personnes estiment que les riches vont s'en sauver et que la classe moyenne - les petits propriétaires de duplex ou de triplex, par exemple - sera une fois de plus pénalisée. Que leur répondez-vous?

L'esprit de notre proposition est d'abolir la taxe santé et, en contrepartie, de demander à nos contribuables plus fortunés de faire un effort supplémentaire. Je vous le dis clairement, je n'ai aucune intention de faire payer plus d'impôt aux gens de la classe moyenne qui possèdent des duplex et des triplex. Ce ne sont pas ces gens-là que nous ciblons et nous allons apporter toutes les précisions qu'il faut pour que cela n'arrive pas.

7. Pourquoi ne pas vous attaquer aux banques qui font des profits records?

À propos de la fiscalité des entreprises en général - parce que les banques en font partie -, la première chose que je dirais, c'est que nous avons un problème d'investissement au Québec, et ce, depuis plusieurs années. Le niveau d'investissement de nos entreprises n'a pas retrouvé celui d'avant la récession, en 2007. Or les investissements sont, avec la scolarisation, le coeur de la croissance économique. Comme la fiscalité des entreprises affecte l'investissement, je ne pense pas qu'on puisse aller jouer là-dedans facilement.

8. N'est-ce pas frustrant de défendre une mesure qui risque d'être défaite par l'opposition?

Honnêtement, j'ai bon espoir d'arriver à une entente avec les autres partis. Eux aussi doivent réaliser qu'il y a eu un résultat aux élections du 4 septembre et ce résultat, c'est que nous formons le gouvernement. Deuxièmement, c'est un gouvernement minoritaire, alors ce qu'il faut comprendre, c'est que les Québécois veulent des partis qui vont se parler, coopérer et arriver à des compromis. Du moins, c'est comme ça que je comprends les résultats des élections. Donc nous avons une proposition fondamentale à mettre en oeuvre, nous serons flexibles sur les moyens mais inflexibles sur les objectifs. J'aimerais que les autres partis entendent ça et mettent en application les enseignements qu'on a à tirer des élections du 4 septembre.

9. On vous accuse beaucoup de clientélisme, de faire des choix en fonction des prochaines élections. Que répondez-vous?

Je ne vais pas m'excuser de me préoccuper des familles de la classe moyenne et je ne vais pas m'excuser de me préoccuper de nos aînés ou des gens qui tirent le diable par la queue et à qui on a demandé systématiquement, depuis cinq ans, de faire un effort, alors qu'on a négligé de le faire pour les contribuables les plus nantis. Je ne vais pas m'excuser de ça, désolé.

10. Qu'est-ce qui vous caractérise le plus comme économiste?

Je pense que je suis un économiste modéré. Je suis un homme de centre gauche, social-démocrate, très préoccupé par la création de la richesse, mais aussi par la redistribution. Beaucoup de mes collègues sont obsédés par une ou l'autre de ces dimensions. Moi, je pense qu'on doit trouver un équilibre. Il n'y a pas un grand livre qui dit que le bon niveau de redistribution, c'est tant ou tant. Et il n'y a pas un économiste qui peut prétendre que tel choix est meilleur qu'un autre. À partir du moment où on fait des choix basés sur des valeurs, on doit les incarner dans les meilleures politiques publiques possible. C'est ce que nous tentons de faire.

Twitter + 1. De ArianceCampeau

@ArianceCampeau

Qu'est-ce que vous comptez mettre en place comme mesure pour contrer le déficit commercial du Québec?

Nous voulons faire la promotion de l'indépendance énergétique. Notre déficit provient de notre dépendance au pétrole. Il faut s'arracher à cette dépendance. On va tout mettre en oeuvre pour faire émerger une grappe en électrification des transports au Québec. C'est le moyen privilégié pour arriver à l'indépendance énergétique. Le jour où on ne dépendra plus du pétrole, il sera plus facile de revenir à des situations de surplus.