Parce qu'il a co-organisé un manifestation contre la loi 78, Me François Desroches-Lapointe, juriste à la SAAQ, devrait être sanctionné. C'est ce que souhaite le ministre des Transports, Pierre Moreau.

«Étant donné qu'il s'agit d'un avocat, c'est non seulement un manque de jugement grave de sa part. C'est aussi un manque de loyauté au devoir qui lui est imposé en vertu des articles 10 et 11 de la Loi sur la fonction publique. J'espère très sincèrement que l'individu sera sanctionné à la hauteur du manque de jugement dont il a fait preuve», a lancé le ministre cet après-midi.

Ces articles stipulent qu'un fonctionnaire doit faire preuve «de neutralité politique dans l'exercice de ses fonctions» et «de réserve dans la manifestation publique de ses opinions politiques».

La sanction peut aller de la réprimande au congédiement, a indiqué le ministre.

«J'estime qu'un avocat, qui est payé par les taxes des contribuables pour travailler à la SAAQ, a autre chose à faire qu'organiser des manifestations de chaudrons dans les rues, et je pense que les payeurs de taxe seront d'accord avec cela», a-t-il ajouté.

Hier soir, quelque 500 juristes ont manifesté contre la loi 78. Parmi eux, des avocats renommés comme le criminaliste Me Pierre Poupart.

Il n'a pas été possible d'obtenir les commentaires de Me Desroches-Lapointe. L'autre co-organisateur, Me Rémi Bourget, a jugé «ironique» l'intervention du ministre Moreau. Elle confirme ses craintes, a-t-il indiqué dans un courriel envoyé à La Presse. «Notre marche d'hier avait notamment pour but de dénoncer que la ministre de l'Éducation se voit confier dans la loi 78 des pouvoirs exorbitants qui dépassent le cadre du pouvoir exécutif, en lui permettant de s'ingérer dans le processus administratif, judiciaire et même législatif. Il est tout de même ironique que la réaction du ministre Moreau, lui aussi juriste de surcroît, soit de tenter de s'ingérer dans une enquête administrative au sein de son ministère. Il semble que l'autoritarisme de la loi 78 ait déteint sur les membres de l'exécutif. Nous avions raison d'avoir peur.»

L'Association des juristes de l'État se dissocie

L'Association des juristes de l'État (AJE), dont Me Desroches-Lapointe est membre, a tenu à se dissocier de la manifestation.

La participation de certains de ses membres dans la manifestation s'est faite «de façon spontanée et individuelle, sans aucune implication de l'AJE», a précisé par voie de communiqué sa vice-présidente, Me Annie Godbout.

Elle rappelle le devoir de réserve de ses membres, mais elle ne condamne pas leur participation à la manifestation, qui selon l'interprétation du ministre Moreau violerait la loi. «Nous pouvons toutefois comprendre la décision de manifester de certains de nos membres compte tenu de la situation qu'ils vivent eux-mêmes», écrit Me Godbout.

L'AJE précise qu'elle ne commentera pas la loi 78.