Les neuf députés qui se sont joints à la Coalition avenir Québec (CAQ) ne seront pas bâillonnés à l'Assemblée nationale, mais ils vivront pauvrement. Officiellement, leur sort se décidera seulement à la rentrée parlementaire, le 14 février. Joint hier, le président de l'Assemblée nationale, Jacques Chagnon, a toutefois rappelé que la décision quant à la reconnaissance du groupe lui appartient et qu'il a pour cela, strictement, à interpréter trois articles du règlement de l'Assemblée nationale.

Le texte de sa décision est pratiquement rédigé, a-t-il dit. L'article 13 dit que, pour être reconnu comme «groupe parlementaire», le parti doit avoir élu au moins 12 députés ou avoir obtenu 20% des suffrages. L'article suivant dit qu'un député élu adhère à un groupe parlementaire ou siège comme indépendant. L'article 15 prévoit qu'un député qui quitte un parti sans adhérer à un groupe parlementaire siège comme indépendant. M. Chagnon ne veut rien dire de sa décision, mais, à la lecture des articles, on peut prévoir que les neuf élus réunis dans la Coalition ne se qualifient pas comme «groupe parlementaire».

Lié à ce règlement, le président ne pourra les reconnaître comme formation politique, à moins que les chefs des principaux partis, Jean Charest et Pauline Marois, ne proposent autre chose. En 2008, les sept adéquistes avaient ainsi été reconnus par un «règlement» de l'Assemblée, une entente par consentement de l'ensemble des députés.

Les députés de la CAQ (six adéquistes et trois péquistes) ont dit publiquement qu'ils souhaitent obtenir une question par jour de séance à l'Assemblée nationale. «Grosso modo, c'est ce qu'ont déjà les indépendants», observe Jean-Marc Fournier, le leader parlementaire du gouvernement. «Le président doit décider si la CAQ a absorbé l'ADQ» ou si le groupe est le prolongement de l'ex-ADQ. Pour M. Fournier, il est clair que c'est la CAQ qui a gobé l'ADQ. «François Rebello n'a pas rejoint l'ADQ !», lance-t-il.

Le droit de parole est une tout autre affaire. «Nous, on veut qu'ils parlent, qu'ils parlent souvent, ça fait un an qu'ils se cachent», dit M. Fournier. Pour les budgets, «si on n'a plus d'ADQ devant nous, ils ne peuvent réclamer les budgets de l'ADQ!» plaide-t-il. «On veut les entendre le plus possible, pour les budgets. On peut avoir des aménagements à la marge».

Du côté de l'opposition péquiste, le leader parlementaire Stéphane Bédard, observe aussi que le président Chagnon est lié par son règlement. «Il n'a aucune latitude quant à la reconnaissance, soutient-il. Le règlement est clair. Si les conditions ne sont pas respectées, il ne peut reconnaître une formation politique, à l'Assemblée. Pour le droit de parole, le président a en revanche, beaucoup de précédents avec des députés indépendants». Il devra tenir compte aussi des autres indépendants, trois démissionnaires péquistes puisque toute nouvelle entente doit être approuvée unanimement en Chambre.

L'ADQ encore mardi envoyait des communiqués de presse à titre de second groupe d'opposition, relève M. Bédard. «Il faudrait qu'ils nous fassent savoir ce qu'ils veulent, on n'a pas eu de coup de téléphone. Ils sont encore l'ADQ, ils n'ont pas fait de demande au DGE pour dissoudre le parti!» lance-t-il.

En point de presse à son premier caucus, François Legault réclamait avant tout que ses députés aient un droit de parole suffisant, refusant de discuter des budgets. Avant la fusion, les quatre députés adéquistes avaient un budget dépassant les 700 000$ qui comprenait la reconnaissance de Gérard Deltell et Sylvie Roy comme chef et leader parlementaire. Autrement, les députés «indépendants» doivent se contenter d'un budget de recherche limité à 22 700 $ par élu par année. «Je n'ai pas eu de téléphone des commettants me demandant de donner plus d'argent à la CAQ. Les gens ont bien d'autres préoccupations», ironise Me Bédard.